Réformer les vacances scolaires ?

Macron à Rungis : il y a du Mozart dans la boucherie
(Photo AFP)

Emmanuel Macron trouve les vacances scolaires trop longues et souhaite en réduire la durée. Il vient, au nom de son idée, d’ouvrir un débat interminable.

LES VACANCES, c’est la vie de la nation. Il y en a plusieurs dans l’année, celles de novembre, celles de Noël, celles de février, de Pâques et d’été, les plus longues : elles durent 75 jours. Elles comptent plus que le travail qui est une sorte de corvée ouvrant la perspective d’un loisir bien mérité ; elles affectent les familles avec de jeunes enfants, les enseignants, les services de santé, les rythmes des transports, la production nationale, les équilibres économiques et financiers. Elles sont source de prospérité car elles créent beaucoup d’emplois intérimaires, mais, malgré le souci de l’académie de les étaler de manière à ce que toute la France ne parte pas le même jour, elles créent des bouchons et augmentent notre empreinte carbone.

Attention aux poutres.

Des personnes de haut rang établissent le calendrier ; il est généreux pour les familles, pour les élèves et pour les enseignants. Un pays qui ne veut toujours pas travailler plus longtemps pour alléger le fardeau de la dette, ne travaillera pas pour augmenter la productivité. Des parents qui ne savent pas quoi faire de leurs enfants s’ils ne partent pas en vacances, n’accepteront pas de jouer les baby-sitters. Le chef de l’État hérite d’une structure aussi solide qu’une charpente et dont il ne changera pas les poutres sans que le système ne s’écroule.

Question de temps de travail.

Les Français n’ignorent pas cependant que le volontarisme de leur président est capable de surmonter la pesanteur d’une tâche à laquelle il s’attèlera avec autant de motivation qu’il manque d’approbation populaire. La question des vacances scolaires rejoint, d’une certaine manière, celle des retraites. Gouvernants et gouvernés se querellent sur le temps de travail. Certes, la productivité est en berne, mais les Français sont en droit de s’exclamer : « Et le bonheur, alors ? ». Ceux qui grognent le plus, ne sont pas, il est vrai, des adeptes du travail. Ils exercent des métiers pénibles et ils ne se rendent pas au bureau ou à l’usine sans forcer un peu leur tempérament. Tout le monde n’est pas écrivain ou artiste et je parie que, pendant leur temps libre, la plupart des Français évitent d’ouvrir un livre ou d’aller au concert.

Le travail, c’est une musique.

Il s’agit donc, en quelque sorte, de réformer les caractères en suggérant à nos concitoyens qu’on finit pas aimer ce qu’au début on ne comprenait pas. Faites écouter du Mozart à un citoyen lambda, il ne réagira guère la première fois. Au bout de trois ou quatre fois, il accompagnera la mélodie en fredonnant. De même, un ouvrier aura du mal à souder ou à visser, mais quand il saura le faire sans y réfléchir, il aura le sentiment agréable d’avoir surmonté un obstacle et en concevra une légitime fierté. Le travail est une forme de musique.

Las de la routine.

C’est aussi un sacerdoce quand on exerce un métier depuis quelques années. On taille une pièce, on concourt à l’ensemble de l’engin à naître. On appartient à un groupe de créateurs tout aussi respectables que les concepteurs du projet. Sans l’ouvrier, pas de progrès. Quand on prend un peu de recul, on est surpris du champ dont on dispose pour accomplir ce que la société n’a pas envie de faire. Il y a du Mozart même dans le métier de tourneur. On peut certes le dire, on ne convaincra pas aisément ceux auxquels aucun maître ne saura expliquer la beauté d’un acte, si humble qu’il paraisse. J’ajoute qu’inconsciemment les Français ressemblent plus à leurs dirigeants qu’ils ne le croient : ils craignent les changements mais, en même temps, ils sont las de la routine et cherchent sans le savoir des voies de remplacement.

RICHARD LISCIA

 

 

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Une réponse à Réformer les vacances scolaires ?

  1. Laurent Liscia dit :

    Merci pour cet excellent passage en revue. Une autre manière de voir les choses: plutôt que d’examiner les questions sociales sous l’angle de la moralité, ou des bizarreries nationales, on peut percevoir le projet Macron comme le demantèlement d’une série « d’acquis ». Les acquis fonctionnent comme un tourniquet: ils enclenchent mais ne declenchent jamais. Pas de possibilité de retour en arrière sans violence. Aux Etats-Unis, ce mécanisme ne vient pas du pouvoir exécutif en ce moment, mais du judiciaire : la Cour Suprême vient de démanteler l’action affirmative, de rendre l’avortement à la juridiction des États, et de réduire les droits économiques de la communaute LGBTQ+. La différence évidemment, c’est qu’il s’agit de droits de la personne et non de décisions economiques et industrielles, comme pour Macron. Et que les Américains feraient bien de s’émouvoir autant que les Francais, car dans leur cas, ca n’est pas leur confort qui est remis en question, mais leur liberté. Inversement, on se demande si les Francais ne se trompent pas d’acquis. Peut-être faut-il se battre sur le climat et l’environnemnt, dont le système industriel existant est en train de nous priver. Mais la, si on laisse faire, ce sera trop tard.

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