Erdogan mène le bal

Erdogan avec le Premier ministre suédois et Jens Stoltenberg, secrétaire général de l’OTAN.
(Photo AFP)

Il ne faut rien attendre du sommet de Vilnius, qui réunit les puissances de l’OTAN aujourd’hui et demain, sauf ce qu’il peut donner : une solidarité accrue de ses membres, une nouvelle mise en garde à Poutine et un soutien indéfectible à l’Ukraine.

L’IDÉE que Vilnius est l’occasion inespérée pour l’Ukraine d’adhérer à l’OTAN ou que la Suède sera cette fois-ci accueillie les bras ouverts par ses partenaires est fausse. La procédure d’adhésion est longue, jamais automatique. Quant à la Suède, elle fait l’objet d’un chantage de la Turquie, dont le président  Erdogan veut simplement troquer le rattachement de son pays à l’Union européenne en échange d’un feu vert de l’OTAN pour la Suède, car ces décisions sont prises à l’unanimité.

Torchons et serviettes.

Le marché ne convient à personne et les membres de l’Organisation reprochent au président turc de mêlanger torchons et serviettes. L’Europe et l’OTAN sont deux institutions totalement indépendantes. Il est possible qu’Erdogan ne parvienne pas à surmonter sa frustration d’ici à demain et qu’il en fasse payer le prix à la Suède. Ce ne serait pas raisonnable : M. Erdogan est certes membre de longue date mais, en achetant des missiles russes incompatibles avec le système de défense atlantique, il a donné l’impression de vouloir quitter l’OTAN. Il ne l’a pas quittée, s’est même rapproché à la faveur de la guerre conduite par Poutine. Mais il reste imprévisible.

Priorité, l’Ukraine.

La guerre en Ukraine demeure la préoccupation numéro un de l’Alliance qui a littéralement épuisé ses réserves en armes et munitions à un moment du conflit où l’armée russe s’est clairement redressée. Joe Biden s’est convaincu, contre toute attente, à expédier des armes à sous-munitions à Zelensky, ce qui a fait bondir de colère les pays hostiles à l’usage de ces armes : elles s’enfoncent dans la terre, et au bout de quelques années, elles explosent, tuant ou estropiant des paysans ou des enfants. On se demande pourquoi les États-Unis ne se décident pas à expédier en Ukraine des avions performants, des canons de longue portée et des chars récents. S’ils tardent à le faire, l’Ukraine est objectivement en danger.

Un Erdogan versatile.

Mais, Erdogan ou pas, l’OTAN célèbrera sa propre renaissance. Naguère, Emmanuel Macron annonçait la fin de l’organisation qui, disait-il, présentait un « encéphalogramme plat », voilà qu’aujourd’hui elle n’a jamais été aussi vouée à la défense des libertés. L’OTAN joue un rôle actif dans la paranoia de Vladimir Poutine et même pour contenir une Chine trop expansionniste. Les petits chantages d’Erdogan ne dureront pas éternellement. Il finira par lever son veto à la Suède, peut-être aujourd’hui ou demain. Il a pris le parti, en effet, de se ranger dans le camp de l’Ukraine, ce qui l’engage au delà même des attitudes qu’il adopte pour montrer qu’il existe et qu’il faut compter avec lui. Heureusement, il a affaire à des diplomates plus sérieux que lui.

Poutine condamné par sa propre haine.

La guerre insensée que Poutine mène contre l’Ukraine a réveillé l’Occident, lui a rappelé le danger immense que représente un pays doté de l’arme nucléaire et nourrissant des idées follement nationalistes, avec, en outre des références historiques du niveau de la propagande.  Le maître du Kremlin ne sait pas ce qu’il a perdu de bonheur à gouverner en paix. Il ne sait pas que les Occidentaux ont souvent espéré le remettre dans le droit chemin et commercer avec lui en payant le prix de son gaz et de son pétrole. Il va mourir de sa propre cruauté, de sa haine et au fond de son désespoir.

 

RICHARD LISCIA

 

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2 réponses à Erdogan mène le bal

  1. Scetbon dit :

    Très juste et sobre analyse que l’avenir ne devrait pas démentir. Pour notre président il doit être cruel de se souvenir de ses propos si négatifs sur l’OTAN.

  2. mathieu dit :

    La géographie a placé la Turquie et son Erdogan de maître sans partage, à l’épicentre d’une toile aux multiples – et adverses – ramifications: entre Orient et Occident, entre dictature(s) et démocratie, entre Europe, Russie et monde arabe, entre Islam, chrétienté et laïcité. Idéalement placé pour arbitrer et choisir ses alliances au grè de la puissance de chacun et de leur situation du moment : il peut se permettre un pied de nez à Poutine quand il est faible… et se rapprocher de l’Europe, d’assez près pour en tirer le bon grain… et en rejeter l’ivraie. Sans engagement sur la durée. Comme un capitaliste qui limiterait ses placements sur des dépôts à terme de quelques mois !

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