Afrique : le mal russe

Manifestations de soutien au putsch à Niamey
(Photo AFP)

Les opérations de rapatriement des citoyens français (et européens) du Niger ont commencé et se termineront rapidement. Nombre d’observateurs y voient une nouvelle « humiliation » infligée à la France.

LA FRÉQUENCE  des coups d’État militaires au Sahel témoigne davantage du désarroi des pays qui le composent que d’une défaite française. Déjà, le rapatriement des citoyens français se déroule dans le calme, à la faveur, il est vrai, d’une accalmie passagère des émeutes. Et il n’est pas sain de voir dans le phénomène une sorte de progression vers l’affranchissement des Africains, lesquels ont cédé, sous les coups de la propagande russe et des méthodes de la milice Wagner, à une passion xénophobe.

L’anti- France, fabrication russe.

Emmanuel Macron ne gouverne pas depuis 40 ans. Il se trouve à l’Élysée au terme d’une dégradation constante des relations de la France avec divers États africains, trop heureux de trouver un bouc émissaire au terme d’un appauvrissement constant que n’ont pas su juguler ceux des chefs d’État qui ont été élus au suffrage universel. L’anti-France est une fabrication purement russe qui se présente comme une autre forme des représailles après l’engagement de la France et de l’Europe en faveur de l’Ukraine. L' »humiliation » n’est donc qu’une phase dans une crise qui oppose les dictatures aux démocraties.

Les putschistes seront éliminés.

On n’aura pas manqué de remarquer que la milice Wagner est commandée par un homme, Evguéni Prigojine, qui a tenté de renverser le régime de Vladimir Poutine. S’il n’est pas assassiné ou enfermé, c’est probablement parce qu’il dispose de moyens de pression sur le maître du Kremlin. De sorte que, soutenus par des Russes que Poutine abhorre, les putschistes ont moins consolidé leurs positions qu’ils ne se sont créé des comptes qui seront réglés ultérieurement. Voir dans l’expansionnisme russe en Afrique l’irrépressible mouvement d’une russification du continent, c’est oublier la fragilité des militaires africains, celle de Wagner et in fine celle de Poutine dont les jours sont probablement comptés.

Des militairees sans avenir.

Le dictateur russe est aux abois, tant et si bien qu’il va chercher l’espoir là où il ne risque pas de naître. Ce n’est pas à Niamey qu’il consolidera son pouvoir, mais à Moscou, en gagnant la bataille d’Ukraine, ce qui n’est pas exactement ce qui est en train de se produire. Enfin, et surtout, les militaires maliens ou nigériens peuvent se prendre pour des gens futés, ils sont condamnés à l’unanimité par les États africains qui ont choisi la voie démocratique. De sorte que, si le terme d’humiliation reste valable, il ne faudra pas omettre de servir du terme triomphe quand les putschistes auront été chassés du pouvoir et que Wagner manquera de munitions, comme en Russie.

2027 : le poids de la macronie.

En réalité, la tragédie sahélienne vient à point nommé pour affaiblir encore un peu plus le président de la République. Les partis de l’opposition sont tout à fait capables de faire l’analyse ci-dessus. Mais ils sont trop contents de pouvoir accabler Macron dans un moment de l’année où les Français ont d’autres chats à fouetter. Gauche ou droite, les partis semblent ne pas comprendre que les assauts répétés contre la majorité, fût-elle relative, ne feront que porter Marine Le Pen au pouvoir. Ce qui surprend un peu, même si nous sommes prévenus depuis longtemps des incohérences de la politique, c’est que les plus chevronnés des analystes ne disent jamais la vérité, à savoir qu’il n’existe pas, pour le moment, une coalition de centre droit prête à désigner un candidat à la présidence. Ou qu’en tout cas, ce candidat n’émergera que si le cœur de la coalition est bel et bien la macronie. Sinon, les anti-Macron auront fait le lit de Le Pen.

RICHARD LISCIA