Trump accusé et éligible

Les deux faces de Janus
(Photo AFP)

Donald Trump et Vladimir Poutine sont en quelque sorte les deux faces du dieu Janus, celui de la mythologie latine : le premier utilise le populisme pour reconquérir le pouvoir, le second s’en sert pour rester président à vie.

M. TRUMP a rebondi dans les sondages de façon fulgurante : il devance son principal rival, Ron DeSantis, gouverneur de Floride, de 35 points. Cette formidable position devrait, en bonne logique, lui assurer un nouveau mandat en 2024. Malheureusement pour lui, il est poursuivi par la justice américaine dans trois cas graves, le recel de documents classifiés, le sac du Capitole, le 6 janvier 2021, qu’il a appelé publiquement de ses vœux et une affaire de corruption, celle où il a demandé que les dirigeants de la Géorgie lui trouvent quelque 20 000 suffrages qui lui manquaient. Paradoxalement, ses démêlés avec la justice ne l’empêchent pas d’être éligible. Les États-Unis se dirigent en conséquence vers une crise de régime, les Américains courant le risque d’être gouvernés par un président en prison.

Ailleurs, il aurait déjà perdu.

Le procureur, qui se concentre sur l’assaut contre le Congrès, Jack Smith, a déclaré qu’il voulait aller vite pour que Trump ne tire pas profit des manœuvres de diversion inventées par ses avocats. Façon de dire que le calendrier de la justice épousera celui des élections. À tort ou à raison, Trump est convaincu que ses partisans ne cèderont pas aux procédures judiciaires et qu’ils lui resteront fidèles même s’il est condamné. Dans n’importe quel autre  pays, Trump aurait déjà perdu la partie politique. Le seul espoir que peuvent nourrir les démocrates est que l’électorat trumpiste finisse par se lasser non seulement d’une condamnation mais aussi d’un agenda judiciaire interminable qui l’empêcherait de facto de gouverner après son élection.

La diplomatie, c’est de la politique intérieure.

Il est inutile d’énoncer les catastrophes économiques, environementales et diplomatiques qu’entraînerait l’élection de Trump. On pense notamment à l’abandon de l’Ukraine par un président isolationniste qui trouve des vertus à Poutine comme il en trouvait naguère au roitelet de Pyong-Yang, Kim-Jong-un, qui envoie des missiles intercontinentaux au-dessus de la tête des Japonais pendant que son peuple est éreinté par les privations et parfois par la famine. On voit aussi que la diplomatie n’est rien d’autre que l’examen vigilant de la politique intérieure d’un pays dangereux, dont les institutions ne sont pas ancrées dans la démocratie.

L’incendie de Rome.

Pour en revenir à Trump, ce diable d’homme se croit tout permis parce que les faits qui l’accablent n’ont jamais diminué la popularité dont il bénéficie auprès de la moitié des Américains séduits par le cynisme et le mensonge. Il y a chez cet homme un côté Néron qui continue à jouer de la lyre pendant que Rome est calcinée par l’incendie.  Cette évolution de la démocratie américaine serait impossible si l’électorat avait compris que la carte Trump est celle de la mort. Ce qui nous ramène à la comparaison avec Poutine. Les deux hommes ont compris qu’il n’y pas de tare qui freinerait leur ascension et même que leur absence de morale est un atout. Partout où se soulèvent des foules enthousiasmées non par un homme mais par ses vices, le danger est d’autant plus grave qu’il est contagieux.

RICHARD LISCIA

 

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Une réponse à Trump accusé et éligible

  1. Laurent Liscia dit :

    Et pourtant, du côté républicain, la machine s’essouffle. Les élus ont peur de se dresser contre Trump ; la partie de l’électorat conservateur qui n’est pas séduite par Trump se crispe à chaque fois qu’un nouveau chef d’accusation fait surface, mais au fond elle n’aime pas l’homme qu’elle doit défendre ; et le parti républicain souhaite ardemment tourner la page sur laquelle Trump écrit sa ridicule histoire. Ce marasme de droite laissera des traces profondes et conduira sans doute à une redéfinition des valeurs conservatrices – une fois Trump condamné. La dérive droitière qui sévit depuis le « Tea Party » des années 90, sera remise en question. Le parti démocrate ferait bien de proceder au même degré d’introspection, car il traverse la même crise d’identité. Elle est simplement moins visible.

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