Le casse-tête sahélien

Manifestation hier à Niamey
(Photo AFP)

L’ultimatum lancé par la Cédéao, goupe interafricain qui favorise le développement économique du continent, à la junte nigérienne, a laissé imperturbables les généraux putschistes de Niamey. Hostiles au coup d’État, les pays de la Cédéao sont censés rétablir le gouvernement de Mohamed Bazoum par la force ou par la négociation.

LE PROJET d’intervention militaire, sans être remisé, est difficile à appliquer. Au Nigeria, qui dispose d’une force crédible, le Sénat s’est prononcé contre toute ingérence au Niger : l’Algérie est hostile à la présence même de soldats étrangers ; une immense manifestation anti-française a eu lieu à Niamey dimanche. La vie même de M. Bazoum et de ses principaux lieutenants est en danger. Il était plus facile de menacer les putschistes que de passer à l’acte.

Une tentation pour les prédateurs.

Cependant, si les Africains favorables à l’ordre républicain ne réagissent pas au coup de force de la junte, ils se ridiculiseront, ce qui n’est pas souhaitable au moment où la milice russe Wagner observe la crise nigérienne avec l’appétit du prédateur. Les Nigérians, dont le nouveau président, fraîchement élu, n’a pas encore formé son gouvernement, sont donc mis au défi de tenter une aventure qui peut mal tourner et dont ils risquent de payer les conséquences. À la pointe du projet d’invasion, le Nigéria est aussi le pays qui attend le plus de la négociation.

Un blocus efficace.

Celle-ci a la particularité de n’avoir pas commencé malgré de multiples contacts, les généraux souverainistes s’estimant souenus par la jeunesse nigérienne qui clame tous les jours son anti-francisme d’adoption. En même temps, le Niger fait l’objet d’un blocus dont les conséquences sociales seront assez graves pour faire tomber le fruit mûr : en réalité, toute l’idée de la Cédéao était de brandir la menace du recours à la force sans arriver jusque là.

Le putsch, une manie.

Rien, dans la confusion des intentions, le bluff de l’ultimatum, la résistance des putschistes et dans le comportement des jeunes nigériens exclusivement informés par les réseaux sociaux, ne permet de croire, pour l’instant,  que l’affaire sera réglée sans verser de sang. La durée d’un gouvernement issu d’un putsch est brève en général. Malheureusement, les officiers africains sont moins aptes à maintenir l’ordre qu’à s’emparer du pouvoir. Cela vient d’être observé au Mali et au Burkina. La durée d’un putsch se mesure souvent à sa multiplication. Les Maliens s’en sont offert deux, alors que l’Afrique occidentale souffre de la misère, parfois de la famine et de la dégradation de l’environnement.

Danger de guerre.

Tout, dans cette déstabilisation africaine, est négatif : le renoncement à la démocratie et au suffrage universel, le rôle de bouc émissaire attribué à la France, le danger d’une guerre à grande échelle qui carboniserait les militaires, les économies et le destin africain. À n’en pas douter, des compromis négociés sont souhaitables. Mais peut-être la décision de la Cédéao de mettre les pieds dans le plat a-t-elle été quelque peu hâtive, d’autant que l’ultimatum ressemble davantage à un bluff qu’à une volonté d’en finir avec des militaires incapables de défendre leurs frontières, mais intéresés par ce qui leur est interdit, à savoir les affaires politiques.

RICHARD LISCIA

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