Antisémitisme de choc

Si vous ne le faites par pour Macron, faites-le pour Darmanin
(Photo AFP)

L’organisation Civitas vient de se distinguer en réclamant la mise à l’écart des professionnels de confession juive. Le ministre de l’Intérieur réclame sa dissolution.

L’ANTISÉMITISME n’est pas qu’une conviction, c’est une obsession qui annule toute imagination. Voilà que Civitas, un groupe qui a à peine dix ans, réinvente le mythe le plus éculé du siècle précédent, le châtiment qu’il faut infliger aux juifs français pour « purifier » la société. On est interloqué par cette initiative parce qu’elle est étrange. Le statut des juifs du pays est protégé. L’antisémitisme n’est pas une opinion, c’est un délit ou un crime puni par la loi.

Un anachronisme.

Les juifs de France ont ainsi l’occasion de se demander si c’est du lard ou du cochon. Ils voient dans l’initiative de Civitas un surprenant anachronisme, à la fois scandaleux et peu crédible. Personne ne sait en tout cas, dans la République, si le judaïsme est une religion, une tradition, un façon de vivre, une origine familiale, un effet du hasard ou de la volonté personnelle. Mais les juifs d’ici ou d’ailleurs ont compris depuis longtemps que, même s’ils nient avoir la moindre rapport avec le judaïsme, ils sont rapiement désignés comme juifs par ceux qui ne souhaitent pas les voir.

Une immigration intérieure ?

Le ministre de l’Intérieur n’a pas tort de s’élever contre une démarche qu’il n’a pas tardé à qualifier d' »ignoble ». Elle l’est de tous les points de vue, judiciaire, puisqu’elle est illégale, morale, parce que l’extermination du peuple juif a commencé par sa diffamation, alarmante parce que, si on propose un nouveau statut des juifs, c’est qu’on veut s’en débarrasser. Voilà qui va donner beaucoup de travail aux spécialistes de l’immigration qui se tuent à refouler les migrants au frontières mais seraient obligés, pour peu que Civitas se fasse entendre, d’aller fouiner dans les villes et villages de notre merveilleux pays pour en extirper des gens qui ne font que vaquer à leurs affaires tout en contribuant à la paix sociale et en défendant souvent des causes justes.

Le pays de Simone Veil.

On peut penser ce qu’on veut de M. Darmanin, il ne faut pas le laisser seul se colleter avec des maniaques hors sol qui n’ont pas compris qu’il suffit de présenter les juifs comme des monstres pour que commence leur élimination, laquelle a déjà pris les formes que l’on sait, Drancy et déportation. C’est au pays qui vénère Simone Veil et l’a panthéonisée que se passent ces choses délicieuses, dont Marine Le Pen, derechef, refusera la responsabilité.

Une Marine hygiénique.

Oh, non, Marine n’est pas antisémite, mais que peut-elle faire contre sa réussite magistrale? Doit-elle refuser les voix de Civitas ? Depuis des années, elle a adopté une hygiène qui la met définitivement à l’abri des souillures qui couvrent le corps de son père. Mais, bon sang, ce n’est quand même pas sa faute, si les électeurs se bousculent pour en faire la présidente de la République en se disant que l’antisémitisme est un « détail », ce que Jean-Marie, le père, toujours gaillard, ne cessait de répéter quand il avait encore un peu d’influence.

Les dangereux amis de Marine.

On en reviendra à l’analyse qui ne se dément jamais : ce n’est peut-être pas le Rassemblement national qui réunit les néo-nazis. Mais enfin, ils sont là et ils savent que, pour gouverner un jour, il faut qu’ils votent Marine Le Pen. Ils ne peuvent tout de même pas voter pour un groupuscule en mal de reonnaissance et dissous de surcroît ! En revanche, rien n’empêche les Français d’ouvrir les yeux et de donner leurs suffrages à une formation et à un homme publiquement antifascistes. C’est justement ce à quoi servent la démocratie et la République. Ce sont les petits ruisseaux qui font les larges fleuves. Ce sont les démons d’autrefois qu’il faut tuer dans l’œuf. Ce n’est pas Marine qu’il faut élire, mais celui ou celle qui se dressera contre elle et mettra à bas son hégémonie.

Un siècle en arrière.

On l’a dit un million de fois, mais on ne perd rien à le répéter : le nazisme ne vient au pouvoir que par les urnes. La différence entre lui et les autres formations politiques, c’est qu’il ne quitte jamais le pouvoir. Il n’applique qu’une fois la méthode démocratique. Faites au moins pour Darmanin ce que vous refusez de faire pour Emmanuel Macron : soutenez-le contre l’antisémitisme ignoble. De lui et des autres, on veut faire des experts de la politique politicienne. Mais il y a pire. Il y a des hypothèses qui nous ramènent un siècle en arrière.

RICHARD LISCIA