Prigojine, mort inéluctable

Prigojine au cimetière
(Photo AFP)

Le chef de la milice russe Wagner, Evguéni Prigojine, est mort hier dans le crash de son avion privé. Les Ukrainiens se réjouissent de la disparition d’un de leurs principaux bourreaux russes.

AVEC la Russie, on ne s’ennuie jamais. Prigojine partageait avec Poutine ses techniques cruelles. Mais il a fait de son parcours sanglant une saga pleine d’effets extraordinaires et de rebondissements, au point que demeure un doute sur la réalité de son décès. C’est comme si, au cœur de la mafia russe, se déroulait un scénario implacable. Si Prigojine est mort, il n’aura pas été surpris. Ce qu’il reste de sa tentative de putsch, du « pardon » de Poutine, de l’indifférence au danger du maître de Wagner, c’est l’image d’un avion qui a soudainement piqué du nez pour  s’écraser dans la steppe.

Poutine doit s’inquiéter.

Prigojine aurait pu fuir, s’installer en Afrique, où il avait une armée et de l’or. Il a préféré s’exposer, par gloriole, pour ne pas quitter la scène, et peut-être parce qu’après avoir si souvent exercé sa férocité, il jugeait qu’il n’échapperait pas à son destin. La Russie est un monde si particulier que non seulement la mort violente de Prigojine était attendue mais qu’en plus il n’existe pas d’autre moyen, pour les dirigeants de ce pays, de survivre après en avoir exécuté tant d’autres. On peut donc prévoir avec certitude que Poutine, un jour, sera assassiné à son tour.

Condamné par son caractère.

Ce qui ne veut pas dire que le maître du Kremlin n’aura pas le temps de s’enfoncer dans l’erreur stratégique qui a fait de la Russie un pays exsangue. C’est néanmoins un calvaire qui l’attend : la réorganisation des Wagner, la guerre déplacée sur le territoire russe qui alarme la population, la chute du rouble, l’affaiblissement de l’économie, tous résultats qui démontrent aux mafiosi de la politique que l’honnêteté et l’intégrité permettent de faire de meilleures affaires. En Occident, on relativise les progrès et on s’inquiète des revers. Toutefois, Poutine est condamné à mort, non par une Cour de justice, mais par son propre caractère.

Une balle dans le pied.

N’oublions que la main russe posée sur l’Afrique est celle de Wagner qui, après avoir perdu son chef, voudra sans doute être rapatrié. Là encore, la façon dont Wagner et Prigojine se sont jetés sur une partie du continent africain ne peut pas être reproduite. Il faudrait remplacer la présence illégale d’une armée par un protocole d’accord diplomatique. En procédant à l’exécution de Prigojine, Poutine se tire une balle dans le pied. De la même manière, la disparition anormale de ceux de l’élite russe qui ont contesté les méthodes du Kremlin donnent une publicité négative à la Russie. Si la mort suffit à terminer une carrière politique, cette société, dangereuse pour tous et même pour les autres, devient infréquentable.

Bilan négatif.

Le feuilleton russe n’est pas terminé. Prigojine risque de réapparaître comme un diablotin ou de ludion remonté des eaux du Styx. Les miliciens de Wagner, équipés militairement, peuvent se révolter et bien sûr il faudra les décimer pour venir à bout du désordre. Pendant que la Russie continue à perdre son âme dans son atroce mésaventure ukrainienne. Je veux bien que le sursaut libérateur des Ukrainiens prenne du temps. Je ne vois pas ce que Poutine trouve de positif dans son bilan. Certes, plus il perd, plus il est féroce. Mais plus il perd, plus il est menacé.

RICHARD LISCIA

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2 réponses à Prigojine, mort inéluctable

  1. LECOURT J. dit :

    Très intéressant développement. Nous sommes nombreux à partager ce point de vue,

  2. Laurent Liscia dit :

    Prigojine fut un monstre, et frère ennemi d’un autre monstre. En pays mafieux, les monstres s’entretuent, mais non sans avoir fait souffrir des milliers de gens. C’est très curieux de voir un pays géré par la pègre. Ca permet au moins de prédire que tout événement sera le fait d’un gangster. Poutine ne tiendra jamais une promesse. Il se livrera au chantage et à l’assassinat. Il se remplira les poches au détriment du pays. Et comme tous les mafieux avant lui, il croit au règne de la force et privilégie les idées d’extrême-droite. Quant à Prigojine, il ne manquera à personne et surtout pas aux Africains et aux Ukrainiens.

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