Darmanin part le premier

Darmanin et Elisabeth Borne hier à Tourcouing
(Photo AFP)

En réunissant ses soutiens dans la ville de Tourcoing pour y prononcer un discours, le ministre de l’Intérieur aura été le premier à s’engager dans la campagne électorale de 2027.

IL NE L’A PAS FAIT sans le feu vert du président ni sans la surveillance de la Première ministre Élisabeth Borne et de quelques conseillers de l’Élysée. Aussi s’est-il attaché à se référer sanc cesse à Emmanuel Macron qui, pourtant, sait que M. Darmanin ne sera pas le seul candidat issu de la macronie et ne saurait craindre des débats qui ne le concernent plus. En revanche, le chef de l’État ne souhaite pas que sa carrière soit interrompue à faveur d’un débat national précoce. Au fond, c’est le timing qui importe : une campagne de presque quatre ans, c’est beaucoup trop long et c’est mettre l’avenir avant le présent.

Pas le moins légitime.

M. Darmanin n’est pas le moins légitime des candidats, avoués ou non, à la présidence de la République. Il a néanmoins insisté sur la reprise en main des classes populaires, largement dépolitisées et abstentionnistes et la nécessité de barrer la route des extrêmes. Ce n’est pas un programme mais c’est au moins un projet indispensable à la démocratie dans un pays gagné lentement mais sûrement par le populisme et les illusions qu’il nourrit. Toute la question est de savoir s’il peut peut former un mouvement consensuel.

Ce n’est pas Macron.

Il possède une réputation, celle de ne pas se montrer tendre à l’égard des migrants, ce qui sera utile pendant la compétition. Il a un bilan mi-chêvre, mi-chou en matière d’immigration mais il est probable qu’il s’inscrira dans une posture où la plénitude des pouvoirs lui permettra d’appliquer des règles draconiennes. Enfin, il n’y a pas que l’immigration et la sécurité, il y a tout le reste et bien qu’il soit un immense travailleur (cette année, il n’a pas pris de vacances), Gérald Darmanin n’a ni la rhétorique de M. Macron ni le quart de son expérience.

Des risques.

Il est en outre marqué à droite, alors que les Républicains le rejettent et qu’il risque de ne séduire personne à gauche, alors qu’Édouard Philippe ou Bruno Le Maire sont peut-être capables de rassembler plus de Français. Partir le premier, c’est certes prendre un coup d’avance, mais c’est aussi mesurer rapidement sa cote de popularité comparée à celle des autres candidats et ils seront nombreux, à droite comme à gauche, macronistes ou pas.

Une période inédite.

La politique a une remarquable capacité à se régénérer. La fin du mandat d’Emmanuel Macron sera une période inédite. Les candidats se précipiteront dans la fournaise pendant que le chef de l’État en exercice multipliera les mesures et les actions gouvernementales pour démontrer, comme il l’a dit dans son entretien-fleuve avec « Le Point » du 24 août, qu’il gouvernera jusqu’au dernier souffle. Or on ne peut pas être candidat sans critiquer un tant soit peu ce qui a ou aura été accompli pendant le second mandat. On ne peut pas être loyal à Macron si on tente de lui succéder, même dans un climat d’amitié et d’affinités idéologiques.

La réforme d’abord.

Le pays qui sortira de ces contradictions peut avoir progressé ou régressé. Il ne faut pas être pessimiste car le bilan de Macron, contrairement à ce que se dit, n’est pas négatif. Une bonne candidature rappellerait les bonnes choses qui ont été accomplies. Le pays n’a pas besoin d’un changement pour le changement, mais il a besoin encore et toujours de réformes. Le mot réforme devrait fait partie intégrante du langage politique, bien qu’il soit littéralement haï par les Français. Le changement ne doit pas être celui des institutions ou celui d’un alourdissement de la fiscalité, mais celui des comportements. Nous ne freinerons pas le réchauffement climatique, nos comptes ne reviendront pas à l’équilibre, nous ne passerons pas à un taux de chômage résiduel si nous n’avons pas la volonté farouche d’atteindre de tels objectifs.

Le candidat idéal.

Le candidat idéal est celui qui saura se garder de LFI et du RN, qui sera capable de montrer que leurs promesses sont irréalisables, qui trouvera un consensus allant du centre droit au centre gauche, qui diminuera le carcan de la dette. C’est celui qui rendra aux abstentionnistes l’envie de voter. C’est plus dur de réveiller un homme ou une femme qui n’y croit plus que de piquer un électeur aux extrêmes.

RICHARD LISCIA

 

 

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2 réponses à Darmanin part le premier

  1. Dominique S dit :

    Mon choix en 2027 se fera surtout en fonction de la personnalité du candidat, donc pas seulement en fonction de son orientation politique. Souvent, on ne sait pas soi même pourquoi on aime ou pas, tel ou tel candidat potentiel. Tout cela pour dire que Darmanin ne me plait pas. Mon préféré reste Bruno Le Maire, juste avant Édouard Philippe. Mais le choix des Français se fera plutôt en sens inverse. La qualité majeure de Bruno Le Maire me parait être son optimisme économique. Même dans les situations les plus difficiles, il y croit toujours. Mais il est peut être trop sérieux pour faire l’unanimité.

  2. Jean Vilanova dit :

    Gérald Darmanin a raison quand il affirme que l’arrivée au pouvoir en 2027 de Mme Le Pen est assez probable. Il a encore raison lorsqu’il dit que ce ne sont pas les gagnants de la mondialisation et les « cadres sup » qui pourront y faire obstacle. C’est pourquoi j’ai tenu à écouter attentivement son intervention de rentrée, hier à Tourcoing. Vieux professeur passionné de rhétorique, je l’ai trouvé plutôt médiocre à l’oral. Quant au fond, il manquait aussi. Pour preuve, ce discours itératif, au jugé, sans souffle. Sans doute, la présence de Mme Borne a-t-elle, au moins en partie bridé son ministre. D’autant que celle-ci a sûrement pris un malin plaisir à le gourmander. Mais hélas, Gérald Darmanin souffre du syndrome dont souffrent beaucoup d’authentiques démocrates dans notre pays (et ailleurs pareillement sans doute) : l’absence d’un grand projet, susceptible d’entraîner la Nation entière. Certes, dans une France fatiguée qui doute d’elle-même et face à une société fracturée, la tâche s’avère prométhéenne. Un grand projet fédérateur, valorisant et ambitieux à opposer aux solutions calamiteuses et moisies (à moins que ce ne soit l’inverse) prônées par la paire infernale LFI et RN, n’est-ce pas la seule issue possible ? Je sais bien que les temps ne sont plus à « l’homme providentiel » mais qui pour donner ce nouveau souffle ? Pour le reste, la course aux petits chevaux ouverte quatre ans avant la prochaine élection présidentielle, je trouve cela fatiguant, stérile et ridicule. Le quinquennat fut une énorme bourde. Enfin, il s’agit là de mon avis.

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