Un exercice de style

Après la réunion, Manuel Bompard, Olivier Faure et Marie Tondelier
(Photo AFP)

La réunion des partis politiques représentés au Parlement a donc eu lieu et a duré une partie de  la nuit (un marathon de douze heures) de mercredi à jeudi. Les soutiens de la macronie s’émerveillent de ce que la conférence se soit produite ; l’opposition ne cache pas sa déception.  

SI Emmanuel Macron avait voulu annoncer l’abandon de la réforme de retraites (qui reçoit dès aujourd’hui un début d’application), il aurait enchanté la Nupes et même d’autres élus. La réunion de Saint-Denis reçoit donc deux interprétations opposées, selon qu’on est au pouvoir ou qu’on n’y est pas. On reproche au président de la République de compter sur sa force de persuasion, mais au fond il a quand même réussi, comme le dit son porte-parole, Olivier Véran, à ouvrir un dialogue entre des gens qui ne se parlent jamais et ne se voient jamais.

Vertus du dialogue.

L’objectif de ce rassemblement d’élus était néanmoins de mettre en exergue les dossiers autour desquels un consensus est possible. Mais là encore, deux analyses : celle de l’opposition qui ne croit pas à un rapprochement avec la majorité sur un certain nombre de sujets, et la macronie qui veut y croire à tout prix. Donc, un fiasco, comme les précédents efforts de Macron ? Non, il faut croire aux vertus du dialogue. Des élus se sont parlés et se sont adressés au gouvernement avec un minimum de sincérité. Ils ont cru de leur devoir d’exprimer leur scepticisme sur une méthodologie qui n’appartient qu’au président, mais cette fois, ils ont collaboré.

L’illusion de la routine.

Les initiatives foisonnantes du président créent à n’en pas douter une confusion mentale qui a gagné tous les esprits, d’autant que les médias sollicitent des réactions sur le moindre événement (surtout en août). L’opinion varie, mais elle imagine que la méthode de Macron est traditionnelle, qu’il n’invente rien et que c’est ainsi que les choses se passent. Dans ces conditions, on en vient à l’idée que le chef de l’État se contente de pratiquer des tactiques routinières.

Pas de chaise vide.

Cela ne ramènera pas la paix au village, on s’en apercevra très vite, dans les jours qui viennent. Il n’y a aucune raison pour Macron de renoncer à une réforme des retraites déjà en place. À Saint-Denis, il a rappelé à ses interlocuteurs qu’il ne saurait y avoir une politique de la chaise vide, qu’il faut légiférer et parer aux dangers intérieurs, inflation, impôts, croissance, chômage, et extérieurs (Ukraine et Afrique). La moindre des choses, pour des élus raisonnables, c’est de respecter le fonctionnement des institutions et de donner au président des majorités de circonstance.

Question de statut.

Les partis de l’opposition ne vont pas reconnaître cette nécessité. Pendant qu’ils hurlent au scandale, ils votent et l’Assemblée nationale n’a jamais été aussi occupée à adopter de nouvelles lois au printemps dernier. Ce qui certes relativise l’importance de la réunion de Saint-Denis. Il s’agissait en fait d’un exercice de communication, une façon de répéter à qui veut l’entendre que le chef de l’État est moins isolé qu’il n’y paraît. On dira, non sans raison, que les apparences ne règlent pas les problèmes de fond. Oui, mais les apparences structures le statut du président.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à Un exercice de style

  1. Jean Vilanova dit :

    Un exercice de communication qui ne débouchera sur rien ou pas grand chose, comme d’habitude… Dans notre démocratie fatiguée, la « com » remplace la politique. Mais peut-il en être autrement lorsque les oppositions se font si médiocres, phagocytées de part et d’autre de l’échiquier politique par les extrêmes ? Notre démocratie souffre grandement de la désagrégation de la gauche qui n’offre plus aujourd’hui que le grand et dangereux n’importe quoi de LFI et d’une partie des écologistes. On sait qui porte pour une large part la responsabilité de ce désastre. Il s’agit du cercle dit de « réflexion » Terra Nova. Proche du PS, hélas pour celui-ci, Terra Nova est un orphéon de bourgeois germanopratins en recherche du grand frisson lequel, dans une « fameuse » note de mai 2011 a théorisé (et avec quel succès !), le reniement par la gauche de son ADN, je veux dire son abandon de la classe ouvrière au profit de « communautés »; les femmes, les immigrés, les jeunes et qui sais-je encore ? Comme si la classe ouvrière ne comptait pas nombre de femmes, d’immigrés et de jeunes dans ses rangs ! Terra Nova, un cercle non pas de réflexion mais de destruction a ainsi actionné une bombe à fragmentation politique dont les effets mortifères ne cessent, depuis, de se faire sentir. Par le piétinement de l’idée même de Nation, Terra Nova a ouvert la voie à la montée des extrêmes, à la dislocation de la société au profit de « chapelles » avec le clientélisme parfois abject en découlant (on l’a encore constaté récemment), à l’abaissement de la pensée et du débat politique… N’en jetez plus ! Face à cela, que peut faire un exécutif raisonnable qu’il soit de droite, de gauche ou du centre ? Pour avancer, cet exécutif a besoin d’une opposition crédible, constructive. L’inverse exact de ce que nous vivons depuis trop d’années (cela remonte bien avant Emmanuel Macron). A défaut d’une telle opposition, il fait ce que fait le gouvernement aujourd’hui. Entre grand débat, conseil national de la refondation, initiative politique d’ampleur et j’en passe, il fait de la « com ». Il brasse le vide.

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