Les deux rois

Les deux couples
(Photo AFP)

Entre une monarchie indéboulonnable et une République qui donne au président des pouvoirs peut-être excessifs, sont nées des affinités. La visite du roi Charles III en France souligne un rapprochement que le Brexit ne peut pas affaiblir.

POUR Charles, son séjour en France assure une légitimité que les Britanniques ne sont pas prêts à contester ; pour Emmanuel Macron, c’est la preuve que, bien qu’il ne soit pas éligible pour un troisième mandat, son second est actif et utile. Le déploiement des fastes royaux de la République, qui passe forcément par un dîner de très haute tenue dans les splendeurs du château de Versailles, contribue à renforcer, sinon la popularité des deux chefs d’État, leur légitimité : ils ne jouent que dans la cour des grands.

Discours émouvants.

Ce qui, bien sûr, n’efface pas les obstacles que tous  deux rencontrent dans la gestion interne de leurs pays et dans un monde en pleine crise qui, parfois, semble au bord de  l’abîme. L’alliance France-Royaume-Uni, de ce point de vue, n’est pas négligeable car il s’agit de deux puissances nucléaires totalement d’accord sur la façon de traiter les provocations de la Russie et de la Chine. Emmanuel et Charles ont prononcé, de ce point de vue, les discours émouvants de deux leaders que peu de choses séparent.

Ces Anglais masochistes.

On n’ira pas jusqu’à comparer la somme des difficultés du royaume et celle de la République. Il semble néanmoins que la Grande-Bretagne ait une pente plus rude à grimper. On peut bien révéler un secret de Polichinelle : le Brexit aura été un désastre historique qui a placé les Britanniques dans une situation inextricable d’où ils ne savent pas sortir. Rishi Shunak, le Premier ministre, n’a pas l’intention de recourir au référendum, le roi n’a pas le pouvoir exécutif et les Anglais sont capricieux. Les adeptes du Brexit sont encore nombreux, même s’ils en souffrent. L’Angleterre, comme tant d’autres pays, a un côté masochiste que le suffrage universel, hélas, a renforcé.

Ce qui nous rapproche.

Mais nos deux pays sont unis dans la défense de l’Ukraine et l’idée que les envahisseurs doivent être écrasés  par les envahis ; la démocratie est leur religion commune ; et Charles a déjà appris au moins une chose, à savoir que le grand large n’est pas  aussi séduisant que l’Europe, toujours conspuée, critiquée, malmenée, mais toujours miraculeusement solide. Sept ans de réflexion ont conduit nos amis britanniques à la conclusion qu’il faut y réléchir à deux fois avant d’entrer dans un virage de l’Histoire en épingle à cheveux. Naguère, le bruit courait que la reine Élisabeth était pro-européenne, mais qui peut en fournir la preuve ?

Il a tant attendu.

Charles n’imitera pas sa mère. Elle avait acquis, avec la guerre, les Malouines et la mort de Diana, une expérience exceptionnelle. L’infirmière qui conduisait une ambulance sous les bombardements nazis s’est muée en chef d’État mûr. Pour Charles, les dossiers sont les menaces venues de l’Est, l’environnement, le Brexit dévastateur.  Il a tant attendu son trône qu’il a eu tout le temps de préparer la gestion de son pays. Peut-être, dans la limite de la délégation de pouvoirs dont il bénéficie, nous surprendra-t-il. Hier, dans son discours, à la fois humble et amical, il a montré qu’une bonne entente avec la France ne nuirait pas à la santé du Royaume-Uni. Ne comptons pas chichement notre coopération.

RICHARD LISCIA

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