Le Sénat résiste

Gérard Larcher, président du Sénat
(Photo AFP)

Des élections sénatoriales auront lieu dimanche. Elles renouvelleront pour moitié la composition de la chambre haute. Elles ne  réduiront pas l’hégémonie des Républicains sur l’institution.

LE SÉNAT comprend 348 membres. Ils ne sont pas élus au suffrage universel mais par un collège de personnes déjà élues, au nombre de 162 000. Tous les trois ans, une moitié des sénateurs se soumettent à la décision des urnes. Le mode d’élection et les particularités du Sénat font qu’il  a souvent été contesté, certains estimant que le scrutin, étant circonscrit à des élus, n’est pas légitime. Quand il était le Premier ministre de la cohabitation avec Jaques Chirac, Lionel Jospin a envisagé de supprimer le Sénat purement et simplement. Mais pour prendre cette mesure, il lui fallait le concours des principaux intéressés, qui la refusèrent avec virulence.

Le cas Trump.

L’élection du Sénat français rappelle par certains aspects l’élection présidentielle américaine mais par un collège électoral de 578 personnes censées traduire le vœu exprimé par le peuple. Un dysfonctionnement majeur s’est produit en 2016 quand Donald Trump, qui avait obtenu 3 millions de voix populaires de moins qu’Hillary Clinton, l’a emporté grâce à sa majorité au collège,  le principe du winner takes all, qui signifie qu’il emporte un État plutôt que la majorité dans cet État, s’appliquant en l’occurrence.

Une fonction confortable.

Le Sénat n’est pas un organisme inutile. Ses débats policés et courtois sont bien plus efficaces que ceux de l’Assemblée nationale. Son pouvoir est limité puisque, en cas de différend entre les deux chambres, c’est l’Assemblée qui finit par l’emporter. Mais il arrive souvent que les amendements produits par les sénateurs soient retenus par les députés ou qu’ils lancent une proposition de loi. La position des sénateurs est confortable. Beaucoup d’avantages sont accordés à la fonction , notamment pour les retraites et la chambre haute dispose d’une cagnotte confortable.

Club privé.

Une réforme en profondeur reste néanmoins indispensable. Il serait logique d’élire les sénateurs au suffrage universel tous les six ans et en une fois. Ils en acquerraient la légitimité qui leur est encore contestée aujourd’hui. Pour le moment, la forme du scrutin fait trop penser à une partie de cartes réservées à un club privé. Toutefois, dans ce pays chamailleur et tourmenté, un tel projet donnerait lieu à une bataille homérique, qu’il soit lancé par l’exécutif actuel ou par le successeur de Macron. On est là au cœur de la politique, des décisions essentielles, de la vie des institutions. Les réformes sont des montagnes presque impossibles à franchir.

Peur de la réalité.

Tout, en France, se passe comme si l’essentiel se situe davantage dans les arrière-pensées que dans les actes. Des quantités considérables d’élus nous ont déjà fait la leçon à plusieurs reprises. Une peur viscérale du changement nous détourne d’objectifs qui seraient salutaires s’ils étaient enfin atteints. Macron à lui seul incarne la volonté d’agir, de bouger, de mettre en mouvement la société. Il a remporté quelques victoires et essuyé au moins autant d’échecs. Mais sa détermination à agir en dépit des multiples oppositions et du sentiment des protestataires qui, en définitive, sont épouvantés par la réalité, est louable.

RICHARD LISCIA

 

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2 réponses à Le Sénat résiste

  1. Jean Vilanova dit :

    Désormais vieux juriste, mon regard sur le Sénat a fluctué au fil du temps. J’en fus le pourfendeur de certaines présidences : celle de l’antigaullisme virulent de Gaston Monnerville ou celle de la médiocrité confondante d’Alain Poher, les deux comme pas mal d’autres par ailleurs également marquées du sceau d’un immobilisme plus ou moins patelin. Toutefois, ces dernières années, j’ai constaté un mieux ; une chambre haute plus dynamique, davantage en phase avec les préoccupations des Français et plus « râpeuse » envers un exécutif qui ne peut avancer que confronté à des contre-pouvoirs constructifs. Si je puis me permettre, avec le respect dû à l’homme et à la fonction, Gérard Larcher dont je ne suis pas un thuriféraire est moins « rond » que son physique ne le laisse supposer. Il y a eu de pires présidents, à n’en pas douter, à commencer par les deux cités ci-dessus. Reconnaissons aussi que par comparaison avec l’Assemblée nationale et le spectacle lamentable et grossier qu’elle offre (merci LFI, merci les écologistes), le Sénat renvoie et conforte une image d’équilibre, de raison, de dignité. Pour autant, d’accord avec vous M. Liscia pour juger une évolution nécessaire. Tout d’abord dans le fonctionnement en interne de l’institution. Sans doute conviendrait-il de revenir sur certains avantages accordés à ses élus, avantages souvent critiqués et pour le moins anachroniques en regard de la dureté des temps pour nombre des Français. Ensuite, en matière d’élection. Le mode actuel fonctionnant à partir du vote des grands électeurs me semble critiquable car dépassé. Je pense n’être pas le seul à souhaiter que l’on s’en réfère directement au peuple.

  2. Laurent Liscia dit :

    Comme aux États-Unis, l’idée que le peuple ne peut pas décider du sort ou du fonctionnement d’une chambre censée le représenter est totalement dépassée. C’est comme si je donnais procuration à mon avocat, sans jamais pouvoir récupérer mes droits. ça n’a aucun sens.
    En revanche, une deuxiéme chambre moins houleuse et moins démagogique, c’est une bonne idée. Une solution simple à la tentation démagogique, c’est le mandat long. Tout en réduisant les privilèges liés à la fonction.

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