Une dette accablante

Bruno Le Maire ne décolère pas
(Photo AFP)

La dette nationale s’élève à 3 013 milliards d’euros et le gouvernement va emprunter l’an prochain 285 milliards d’euros sur les marchés financiers. Le projet de loi de finances sera adopté au moyen de l’article 49/3 de la Constitution.

LE MINISTRE de l’Économie, Bruno Le Maire, n’a pas caché son désarroi. Les déficits sont à ses yeux un crève-cœur. Il préfèrerait utiliser cet argent pour réduire les inégalités sociales. On s’est moqué de lui et on lui a suggéré de faire ce qu’il dit. C’est une raillerie facile : quel parti au pouvoir pourrait effacer d’un trait de plume le recours à l’emprunt ? Il y a une sorte de fatalité de la dette (ce n’est pas d’aujourd’hui que la France emprunte) et le budget n’a pas été mis à l’équilibre depuis une cinquantaine d’années. Nous vivons au-dessus de nos moyens. Ceux qui critiquent la dépense publique sont aussi ceux qui demandent plus de dépenses pour se porter au secours des plus faibles.

Motion de censure.

Le pire, c’est que les partis d’opposition se contentent de dénoncer les acrobaties gouvernementales sans proposer les solutions médianes qui répartiraient mieux les dépenses tout en les diminuant. Il y a des lustres que la France dépense sans compter, des lustres que le niveau de vie moyen s’en trouve amélioré, et nous voici arrivés au point où notre dette équivaut à une année de production. Une chose est sûre : ce n’est pas l’agitation à l’Assemblée, ni le dépôt d’une ou deux motions de censure qui résoudront le problème.

Il nous faut bien un budget. 

Car tout est politique. On a fait au 49/3 une telle réputation que la Première ministre doit livrer, une fois de plus, une bataille homérique au Parlement. Comme si la France pouvait se passer de budget. Il est indispensable, même si le projet de loi est considéré comme « insincère » par la Cour des comptes. Ce n’est donc pas du côté des partis que le pouvoir peut trouver des gens raisonnables. Tous pensent que l’exécutif va mal et que les occasions de le démanteler se multiplient.

L’idée de la sédition.

Une crise de régime ? Et pourquoi pas ? pensent-ils. Dans tous les esprits traîne une idée, celle de la sédition, pour ne pas dire révolution, l’occasion d’écarter Macron du pouvoir et de reprendre les choses en main à la faveur d’élections générales et même, dans le cas de la France insoumise, d’une dissolution de l’Assemblée et de la réunion d’une assemblée constituante chargée d’enterrer la Cinquième République. Voilà Jean-Luc Mélenchon, jamais affaibli par ses observations scandaleuses et ses insultes qui voit midi à sa porte. LR, conforté par les élections sénatoriales, poursuit sa politique du « niet », refuse de coopérer avec le gouvernement en place, se situe au bord de l’abîme avec la meilleure conscience qui soit.

Nous n’avons pas le choix.

L’irresponsabilité financière a trouvé son prolongement normal, l’irresponsabilité politique. Un brusque changement de régime et tout sera à reconstruire ; et ce sont les démolisseurs qui prétendent nous donner un avenir. En réalité, nous n’avons pas le choix, nous devons passer le cap en limitant les dégâts et nous devons attendre la fin du mandat de Macron. Après tout, son projet de budget  prévoit une lente stabilisation et un retour aux critères de Maastricht d’ici à 2027. Nous ne sommes pas les plus mal lotis en Europe, est-il nécessaire de le rappeler ? L’Allemagne a plus de problèmes que nous et, dans une certaine mesure, l’Italie aussi. Nous avons vécu tout ce temps au-dessus de nos moyens. Ne soyons pas surpris si en définitive nous avons un peu plus d’impôts à payer.

Le président jure que nous serons épargnés. Ce qu’il ne dit pas, c’est que nous paierons les factures, nous paierons une contribution plus élevée à l’assurance maladie, nous paierons des péages autoroutiers plus chers. Quarante ans de dépenses et voici qu’arrive le moment d’expier les fautes historiques de la collectivité. Pas besoin de nous expliquer que le « quoi qu’il en coûte » n’est plus le langage du pouvoir.

RICHARD LISCIA

 

 

 

 

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3 réponses à Une dette accablante

  1. Dominique S dit :

    Pour moi, c’est tellement plus sain d’attendre d’avoir l’argent pour le dépenser. Seules exceptions, la maison pour le particulier et l’hôpital pour la collectivité. Ce n’est pas moi qui a dit cela, c’est François Bayrou.

  2. Jean Vilanova dit :

    « Cela ne coûte rien, c’est l’Etat qui paie. » Cette phrase qu’il n’a pourtant jamais prononcée quand il était président de la République colle à François Hollande. Elle n’en reflète pas moins l’extraordinaire accoutumance du pays tout entier à la dette publique. En d’autres termes, une course effrénée au désastre. Comme la personne dépendante à une drogue, « … promis, j’arrête demain… » et qui n’y croit pas elle-même. Depuis un demi-siècle, l’Etat se montre incapable de contenir, d’équilibrer ses dépenses. Et plus l’on se montre incapable, plus la difficulté s’accroît. C’est ainsi depuis toujours. La dette ne cesse donc de s’amplifier limitant jusqu’à interdire de facto au gouvernement des marges de manoeuvre alors même que les prélèvements obligatoires battent des records. Nul besoin d’être grand clerc pour voir ici les composantes d’un cocktail explosif qui pourrait conduire le pays dans quelque abîme tandis que, face à nous, aujourd’hui même, la transition écologique s’impose ; une transition « ontologiquement » à très haut prix. Nous voilà devant le mur. Je disais toujours à mes étudiants que les crises ont au moins une vertu : elles obligent à l’intelligence. Aussi, dans notre pays déchiré, submergé par tous les égoïsmes et les non-sens, face à une opposition d’une singulière médiocrité l’intelligence s’imposera-t-elle ? Je l’espère, quoi que parfois, l’exception confirme la règle…

  3. Laurent Liscia dit :

    C’est vrai partout dans le monde: le Japon et Singapour ont des dettes astronomiques. Les Etats-Unis en ont pour 33000 milliards, ce qui donne 100000 dollars par tête de pipe. C’est une tradition bien ancrée en France et ailleurs, songeons à Louis XIV. La punition des marchés ne vient pas, parce qu’il n’y a pas d’alternative à l’argent public. C’est le public, où qu’il soit, et la richesse des nations qui servent de caution à tout emprunt. Bref, les pays se gèrent sur le dos des contribuables avec la complicité du contribuable qui n’a pas les outils pour comprendre que la dette lui appartient. Je trouve curieux que le discours sur ce sujet soit national, quand il devrait être global : un des sujets les plus lancinants du G20, avec le changement de climat.

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