L’Ukraine trahie ?

Poutine ne comprend que le rapport de forces
(Photo AFP)

« Le Monde » d’hier a publié une tribune signé par nombre de personnalités qui s’inquiètent de la distance que divers commentateurs tentent de mettre entre la guerre en Ukraine et l’Occident. Ce signal d’alarme indique une dérive inacceptable.

CERTES, la guerre est longue ; certes, les combattants ukrainiens ne voient pas le bout du tunnel ; certes, les perspectives électorales dans chacun des pays européens et aux États-Unis n’inspirent pas la fermeté de l’analyse. On n’en est pas moins stupéfait d’assister à une évolution des mentalités, passées en quelques mois de l’adhésion enthousiaste aux choix de Volodymyr Zelenski au paternalisme qui réduirait sa résistance ou l’enverrait à des négociations prématurées.

Le risque américain.

Les États-Unis craignent principalement qu’une victoire (encore possible) de l’Ukraine jette le chaos en Russie, avec l’apparition d’un nouveau dictateur encore moins raisonnable que Poutine. Un débat entre élus américains montre que les Républicains, surtout les trumpistes, sont farouchement isolationnistes. Un sondage récent indique que l’adhésion à l’Ukraine, à 65 % il  y a quelques mois, est tombée à 57 %. En outre, Joe Biden n’est pas assuré de gagner les élections de novembre 2024. Sa défaite laisserait la place à Donald Trump, que Vladimir Poutine sait manipuler, et serait accompagnée par un arrêt complet du soutien américain à Kiev.

Il n’y a qu’une façon de traiter Poutine.

Nicolas Sarkozy, de son côté, est l’ex-président qui a réclamé, dans un entretien retentissant, des négociations immédiates assorties de concessions territoriales de l’Ukraine. Un camp, en France, commence à se former, qui a des vues négatives sur l’aide inconditionnelle à l’Ukraine. Il est donc temps de rappeler quelques principes : Poutine ne connaît que le rapport de forces et il ne négociera que s’il est acculé ; les Ukrainiens, ces derniers mois, ne sont pas restés inertes, ne soufrent que du manque de munitions, de chars et d’avions et c’est le moment d’augmenter l’aide occidentale, pas de la réduire. à noter, à ce sujet, la décision de la France de faore payer à l’Ukraine les matériels français qu’elle souhaiterait obtenir.

Oublier les menaces.

Les menaces de Poutine sont nulles et non avenues. Il peut bien brandir la menace nucléaire, mais il n’est pas fou : il sait que, si la première de ses ogives nucléaires montrait le bout de son nez, tout l’est de la Russie serait aussitôt vitrifié. Ses ultimatums sur les fameuses « lignes rouges » n’ont aucun sens. Il est le premier à franchir ces lignes, tandis que la stratégie ukrainienne consiste à concentrer la guerre sur la Crimée et à porter le fer en Russie même pour que les Russes comprennent enfin ce qu’ils sont en train de faire, à savoir la guerre la plus sauvage et la plus indigne depuis 1945.

Une aide indispensable.

Les Ukrainiens ne nous demandent pas de mourir à leur place. Ils nous demandent des armes, des munitions et de l’argent. L’aide que nous leur apportons nous paraît pesante, mais elle est indispensable si nous ne voulons pas que l’armée russe entre en Pologne et conquiert les États baltes. Négocier aujourd’hui avec Poutine, c’est lui faire un cadeau inespéré. En réalité, notre « lassitude » résulte de nos erreurs d’analyse. Une accélération des livraisons d’armes de haute technologie garantirait la victoire de Zelensky et donc du camp occidental. Encore une fois, il ne faut pas se laisser impressionner par les menaces des Russes. Ils tempêtent, mais s’en tiennent à une guerre conventionnelle.

Notre cause.

Le débat est dans nos têtes. C’est une affaire de conscience. Abandonner l’Ukraine à son sort, c’est commettre un crime dont nous deviendrons, tôt ou tard, les victimes. Nous avons besoin d’elle autant qu’elle a besoin de nous. Et nous sommes informés par l’histoire: nous ne pouvons courir le risque d’avoir à la fois la guerre et l’indignité. Nous avons affaire à un peuple ingénieux, courageux, impavide qui a relevé un défi historique. La cause des Ukrainiens est la nôtre. La quantité de poison que Poutine peut déverser sur l’Occident, sa conviction que nous sommes l’ennemi, sa nostalgie de l’URSS, tout montre qu’il est difficile de faire pire que lui. Sa mort physique ou politique ne serait pas une catastrophe.

RICHARD LISCIA

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2 réponses à L’Ukraine trahie ?

  1. Jean Vilanova dit :

    Le journal « Le Monde » a ici le sens du bon tempo avec cette tribune publiée trois jours avant la date anniversaire des accords de Munich, le 30 septembre 1938. Lâches parmi les plus lâches, Daladier et Chamberlain s’y couvrirent de honte. Ils choisirent le déshonneur à la guerre et ils eurent les deux, le déshonneur et la guerre comme l’affirma Churchill. Aujourd’hui, dans la guerre que le tyran russe livre au peuple ukrainien, l’histoire pourrait bégayer. On en distingue de nombreux prémices parfaitement mis en évidence par les signataires de la tribune ; les divagations d’un ancien président prétendument gaulliste (pauvre général !), celles d’un pape inutilement starisé qui déteste l’Europe, celles d’un vieux trotskyste corrompu devenu président du Brésil sans oublier nos extrêmes, de droite comme de gauche, jamais en retard d’une infamie. Avec, pour couronner le tout, la possible élection de Trump à la Maison Blanche l’année prochaine. Le début d’un mortifère alignement des étoiles, enfin, « étoiles », si l’on peut dire ! Mais comment ces gens-là peuvent-ils imaginer s’assoir une seule minute à la même table et « négocier » avec un tueur de masse, de surcroît organisateur de la déportation de dizaines de milliers d’enfants ukrainiens ?… Les fantômes de Chamberlain et Daladier revenus de leur néant ? La peur ? Le cynisme ? Sauf à y laisser leur âme et, n’en doutons pas leur existence même, les démocraties n’ont d’autre choix que celui de défendre l’Ukraine sans faillir et jusqu’au bout. Le tyran claquemuré dans ses bunkers – ce qui prouve qu’il a peur – est comme tous les autres. Il finira par se coucher et disparaître devant les défenseurs du droit et de la liberté.

  2. Doriel Pebin dit :

    Merci pour ces deux commentaires lucides soulignant le manque de lucidité ou la lâcheté de certains politiques pour des calculs court-termistes. La comparaison avec les années d’avant guerre est pertinente, ce que certains semblent oublier ! Heureusement que les Ukrainiens se battent pour nous avec leur sang. La moindre des décences serait de les soutenir sans nos soucis d' »enfants gâtés ». Continuez à dénoncer cet état d’esprit munichois de notre société adulescente.

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