L’isolement de l’Arménie

Erdogan et Ilham Aliev
(Photo AFP)

Le Haut Karabakh a été phagocyté en un éclair par l’armée azerbaïdjanaise, grâce au soutien des Turcs et à l’indifférence de Poutine. Le schéma urkrainien vient de se reproduire : on change les frontières, ce qui est interdit en droit international.

ON SAIT ce que représentent les souffrances des Arméniens, dont les moyens militairess sont de loin inférieurs à ceux de l’Azerbaïdjan. Erdogan s’efforce de reconstruire à sa manière l’empire ottoman au mépris du droit et en s’appuyant sur le régime fantoche d’Ilham Aliev. On parle énormément de la « lassitude » des Occidentaux à l’égard de la longue guerre d’Ukraine et l’offensive des Azeris peut les conduire en territoire arménien. S’il fallait un événement capable de déclencher un sursaut occidental, le voilà tout trouvé. Car le destin funeste de l’Arménie, déjà victime du génocide ottoman au siècle dernier, est le signe avant-coureur d’une nouvelle conquête russe de la Moldavie et des États baltes.

Poutine n’est pas seul.

Depuis 2014 et la reprise de la Crimée sans coup férir par la Russie, c’est toute l’Europe qui peut trembler. Les régimes pro-russes comme celui de Viktor Orban en Hongrie prennent le risque de dîner avec le diable sans avoir pris la précaution de se munir d’une longue cuillère. Non, Poutine n’est pas seul. Il bénéficie du soutien du Brésil et de celui de l’Inde et ainsi se reconstruit un nouveau tiers-monde dont les attitudes cyniques permettent au Kremlin  de faire ce qu’il veut. Certes la fameuse « lassitude » n’est pas aussi prononcée qu’on le dit. Et le terrible revers de l’Arménie a nourri de nouveaux engagements en faveur  du droit international.

Solides Américains.

Mais cela fait des années que les Nations unies sont devenues une coquille vide, à cause du veto russe et chinois. Quitte à me répéter, je rappelle que Poutine ne comprend que le langage de la force et que, quelles que soient les pertubations diplomatiques liées aux élections américaines en novembre 2024, l’aide militaire à Kiev n’est pas remise en question. On peut toujours jouer à se faire peur en imaginant un Donald Trump élu mais en prison, les élus républicains au Congrès  ne sont pas hostiles à l’aide à l’Ukraine sous toutes ses formes, humanitaire, civile et militaire.

Notre chance : l’Ukraine.

Un coup d’arrêt doit être donné aux menées de Poutine et d’Erdogan, vieux complices aux objectifs différents mais complémentaires. Nous ne pouvons pas aller combattre sur place, mais nous comptons, comme d’habitude, sur le sacrifice des Ukrainiens. Ils s’inscrivent dans la reconquête lente de leur territoire et le pire consiste à dire qu’ils sont à bout de souffle, alors que, en réalité, ils sont la meilleure chance de l’Union européenne de garder son intégrité.

La vengeance d’Erdogan.

Erdogan déteste les Européens parce qu’ils n’ont pas souhaité l’accueillir dans leur cénacle ; Poutine hait l’Union parce qu’elle fait de l’ombre à la Russie. On imagine ce qu’aurait pu être la vie sur notre continuent si Moscou abritait un pouvoir démocratique, un leader libre des passions les plus négatives et prêt à consacrer son énergie au développement de son pays au lieu d’envoyer tous azimuts des troupes menaçantes composées de soudards.

Un appel désespéré.

Poutine fait grand cas de la « lassitude » des Occidentaux, qu’il voit bien plus profonde qu’elle ne l’est en réalité. Il a déjà perdu la guerre qui laissera la Russie exsangue. Rien en Russie ne sera comme avant et les jours du maître du Kremlin sont comptés, malgré tous ses efforts pour garder son emprise sur les moyens de décision. Je ne suis pas trop optimiste. Il y a plus de lassitude en Russie qu’ailleurs, les régimes autoritaires sont durs et cruels, mais fragiles ; le rappel incesant que la Russie est une puissance nucléaire n’est que l’appel désespéré d’un régime aux abois qui songe vaguement à détruire un continent pour conserver le pouvoir.

RICHARD LISCIA

 

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3 réponses à L’isolement de l’Arménie

  1. Jean Vilanova dit :

    Décidément, cela devient une manie chez les dictateurs que de s’emparer par la force de pans de territoire de leurs malheureux voisins ! Après la Russie, maintenant l’Azerbaïdjan, et même les Chinois s’y sont mis au vu de leur dernière carte territoriale qui empiète sur plusieurs pays… dont la Russie. Oui, cette même Russie avec qui les Chinois justement ont noué une amitié qualifiée récemment de « sans limite ». Avec de tels amis, les dirigeants russes n’ont pas osé moufter. Pour une fois, on peut les comprendre. Comment dit-on déjà ?… Ah oui, « faible avec les forts… » Pour le reste, nos frères arméniens paient aujourd’hui lourdement le prix d’avoir compté la Russie poutinienne parmi « ses soutiens ». Et à la place de quelques nouveaux dirigeants africains tombés en pamoison devant Poutine et sa horde de criminels, je commencerais à me poser des questions…

  2. Doriel Pebin dit :

    Le terme Occident mérite quelques éclaircissements. Nous partageons nombre de valeurs avec les USA mais nous sommes de fait leurs vassaux tant que l’EU n’aura pas de réelle autonomie entres les deux léviathans que sont les États-Unis et la Chine. Ils pensent d’abord et avant tout à leurs intérêts via leurs métaplateformes et mégaentreprises. Nous n’avons toujours pas de champion européen ! le Japon et la Corée du sud sont des démocraties lointaines dont nous partageons des valeurs. Les États démocratiques d’Amérique du Sud, d’Afrique et l’Inde semblent considérer les régimes autocrates avec bienveillance pourvu qu’ils en tirent profit financièrement. Les valeurs et l’éthique sont de peu de poids pour eux sauf… à nous faire des leçons de morale pour la colonisation. Pourtant que font Poutine et Xi Jiping si ce n’est de l’impérialisme sous couvert d’anti- colonialisme ? Le danger actuel réside dans cette union des autocrates et dictateurs qui ne sont d’accord que sur un objectif (avec l’aide de nos « idiots utiles »): attaquer l’Occident ou plus exactement la démocratie. Ne nous trompons pas de combat. Merci à vous et aux Ukrainiens de nous défendre.

  3. Laurent Liscia dit :

    Personne n’a bronché sur cette affaire, ce sur quoi les Azeris et Erdogan comptaient bien. En même temps, on a échappé à un nouveau génocide arménien, puisque le transfert de population s’est fait sans trop de dégâts. A la chinoise (au Tibet par exemple): le nettoyage ethnique « doux » où on remplace une population par une autre. Mais ce genre de monstruosité n’intéresse absolument pas nos politiciens, qui préfèrent dénoncer le fascisme du 49-3. La crise de l’Occident, c’est celle de l’hypocrisie.

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