La politique de l’ignoble

Poutine « ne tire pas pas sur des civils »
(Photo AFP)

Groza est un village à l’est de l’Ukraine qui comptait quelque trois cents habitants. Deux cents n’ont pas supporté leur sort et ont choisi l’exil. Ceux qui sont restés se sont réunis pour parler de la guerre. Un missile russe en a tué 51 dont des enfants.

UN FAIT-DIVERS ? La routine militaire ? Non, un crime contre l’humanité assorti d’une hypocrisie répugnante quand Vladimir Poutine a commenté l’affaire en affirmant que son armée ne visait que des objectifs militaires.  Le maître du Kremlin éprouve une joie sinistre quand il peut compenser une défaite navale (sa flotte en Mer Noire a quitté Sébastopol pour gagner un port mieux abrité et plus lointain) par un assaut contre des civils commis délibérément.  C’est vrai que les Occidentaux ne comptent pas aller le chercher à Moscou pour l’arrêter, le juger et le condamner. Il s’estime invulnérable, tout en prenant mille précautions, ce lâche, pour ne pas être victime d’une cabale de palais.

De la « fatigue » à la défaite.

On parle beaucoup de lassitude ces jours-ci : ce serait celle des soutiens à Volodymyr Zelensky qui trouvent le temps de la guerre beaucoup trop long. Peu importe  que les Ukrainiens portent le fardeau de toutes les souffrances, la « fatigue » mentale des Occidentaux porte en elle les germes de la défaite. En somme, on en est à reprocher aux Ukrainiens le cauchemar national qui leur est infligé. Je ne vois pas comment on pourrait persuader les « las » qu’ils ont tort, qu’ils ont besoin de se requinquer et de reprendre le chemin de la détermination.

Le beurre et l’argent du beurre.

On ne dira jamais assez que ce sont aussi nos libertés que défendent les Ukrainiens, que s’ils s’installent en Ukraine, les Russes finiront par s’en prendre au États baltes et à la Moldavie et qui sait ? plus tard à la Pologne d’où ils pourraient narguer l’Allemagne. Il existe des pays européens, par exemple la Hongrie, qui n’ont aucun reproche à adresser à Poutine. Des pays qui, adhérents de l’Union européenne, veulent le beurre et l’argent du beurre. L’Europe les séduirait bien davantage si elle se contentait de leur verser des subsides et peu importe s’ils ne respectent pas les règles de droit régissant l’UE.

Cheval de Troie.

À ceux-là, il est temps de dire, et sur un ton ferme, que l’Europe n’a pas besoin d’un cheval de Troie venu de Moscou. Nous n’avons rien à faire avec Poutine et il ne nous sera utile que lorsqu’il sera mort politiquement, ce qui ne va pas tarder. Sa violence, sa barbarie, ses ignominies sont exacerbées par ses revers sur le terrain, par le tour extraordinairement compliqué qu’a pris le conflit et par le fait que les Russes commencent enfin à se poser des questions. Cessons de ne voir en lui qu’une brute utile avec qui il est possible de négocier. Nous sommes dans une partie où il faut un  perdant et il est parfait pour le rôle. Ne craignons pas le chaos qui pourrait s’ensuivre dans la splendide Fédération de Russie. Pensons seulement à ce qu’il adviendrait si Poutine gagnait la guerre.

La valeur du sang.

La moindre des décences, la moindre des dignités, le moindre respect de soi-même, c’est de mesurer la profondeur de l’enfer poutinien, de comprendre dans quelle galère l’a conduit une ambition démesurée qu’aucune intendance ne soutient. On aimerait lui parler en tête-à-tête, hors micro : « Alors, Vlad, pas fatigué ? ». Nous avons été naïfs quand nous avons cru qu’on pouvait négocier avec lui, quand nous l’avons laissé construire un pouvoir impérialiste et nous n’avons pas mesuré la haine paranoïaque que nous lui inspirons. Allons-nous, aujourd’hui, continuer sur cette voie ? Les Ukrainiens n’ont-ils pas payé de leur sang notre détermination à les aider ?

RICHARD LISCIA

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Une réponse à La politique de l’ignoble

  1. Jean Vilanova dit :

    La politique de l’ignoble en effet et l’incarnation du mal chez ce petit homme aberrant ! Je ne suis pas optimisme et, M. Liscia, à l’inverse de vous je ne pense pas (plus précisément je ne pense plus) que les Russes commencent à se poser des questions. Ils sont encore fort nombreux à soutenir Poutine. Quant à ceux qui ont quitté le pays, on ne les voit guère manifester contre le régime et ses méthodes de tueurs. Les quelques opposants courageux sont en prison ou ont été assassinés au pied de leur immeuble parmi lesquels la courageuse Anna Politkovskaïa il y a plus de 20 ans déjà. Non, la Russie, ce ne n’est pas Anna Politkovskaïa. La Russie, c’est autre chose. Plus que beaucoup d’autres pays, elle a noué quelque rapport permanent dans son histoire avec le pire. Je crains pour l’Ukraine. Le pays se retrouvera-t-il bientôt seul ou presque face à la bête immonde ? Je note des signes inquiétants comme l’affichage de plus en plus pro-russe de certains pays européens dont la Slovaquie apparaît comme le dernier avatar en date. Et que penser de la pusillanimité (d’aucuns diront la lâcheté) de l’Allemagne tellement occupée à vendre ses voitures de luxe et autres quincailleries au lieu de défendre un pays frère en refusant de lui livrer les missiles qu’il réclame à cor et à cri ? Comment ne pas se révolter contre le misérabilisme intellectuel (enfin, « intellectuel », si l’on peut dire) de certaines de nos élites françaises (enfin, « élites », c’est pour rire jaune) prêtes à se coucher devant Poutine comme le firent leurs pères spirituels Daladier et Chamberlain en 1938 devant Hitler ? Ne faut-il pas redouter un chaos à venir aux Etats-Unis avec l’élection possible de Trump ou hurler contre le clown toxique Elon Musk se moquant du président Zelensky « parce que cela fait 5 minutes qu’il n’a pas réclamé des milliards d’aide » ? Oui j’ai très peur pour l’Ukraine, pour nous tous. Et j’enrage car l’Histoire n’oublie rien et ne pardonne rien. En août 2013 Barack Obama alors président des Etats-Unis dont on vantait partout le style et la décontraction (peut-être un peu juste pour présider un pays… en fait, l’homme n’était qu’un indécis) commit une faute impardonnable aux conséquences terribles. Il refusa d’honorer sa parole et d’intervenir par la force contre le régime syrien après le massacre à l’arme chimique perpétré contre une partie de son peuple. Il adressa ainsi un formidable signal de la veulerie de l’Occident aux dictateurs du monde entier, Poutine en tête. Tout est parti de là. Aujourd’hui, probablement peu en proie au remord, j’apprends que le couple Obama devient producteur de films. Plutôt qu’à la Maison Blanche, sa juste place ; que ne l’a-t-il trouvée plus tôt ! Oui, j’enrage.

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