Gaza : l’accord impossible

Le dictateur égyptien, Abdel Fatah Al Sissi
(Photo AFP)

Les très malheureux habitants de Gaza, littéralement dépecés par les bombardements d’Israël, estiment qu’ils ne sont pas responsables des massacres commis par le Hamas et qu’ils ne devraient pas être punis pour ce qu’ils n’ont pas fait. Ils ont entièrement raison, d’autant que l’Égypte tarde à ouvrir le couloir humanitaire de Rafah. Leur souffrance intolérable les aveugle pourtant.

ILS DEVRAIENT admettre, en effet, qu’un crime indicible a été commis par le Hamas, qu’ils n’aiment guère, mais contre lequel ils n’ont pas la force de se dresser. On ne les grandira pas en les approuvant. C’est les respecter que d’exiger d’eux, malgré le chagrin et le deuil, de prendre leurs distances vis-à-vis d’un groupe qui est le vrai responsable de leurs malheurs. Pas une fois, dans les videos diffusés par la télévision, on ne les voit ou les entend réclamer la disparition du Hamas.

Des Gazaouis très sollicités.

Le résultat  de cet aveuglement est l’embrasement de la région. Les Gazaouis sont impuissants, mais très sollicités. D’un côté, on les appelle à se venger des soufffrances qu’ils endurent, de l’autre, on les sollicite pour qu’ils reconnaissent dans les massacres en Israël le miroir de leurs propres déboires. L’Égypte et la Jordanie sont liées à Israël par des accords de paix, survivance des accords d’Oslo que Yasser Arafat n’a pas utilisés pour devenir le Palestinien  qui a conclu la paix. Elles ont refusé le sommet que Joe Biden leur proposait et Le Caire a beaucoup tardé à ouvrir le couloir humanitaire. L’analyse la moins partiale conclura que les Gazaouis n’ont pas que des ennemis, ils ont d’autres adversaires qui, loin de voler à leur secours, les maintiennent dans la plus affreuse des solitudes.

Rien ne sera plus comme avant.

Cette incapacité à reconnaître ses propres excès est à l’origine de la flambée de terrorisme dans le monde et des manifestations hostiles à l’Amérique et à Israël dont les drapeaux ont été soigneusement brûlés tandis que les habitants de Gaza meurent dans de terribles explosions. Un des conflits les plus atroces de l’Histoire obéit à des traditions conservatrices en vertu desquelles on ne change jamais d’attitude alors que tout change : rien ne sera plus comme avant, Netanyahu démissionnera, et au bout du compte on négociera de nouveaux accords de paix. Je n’essaie pas de prédire l’avenir, je me contente de constater que les choses se font sans les gens. Il devrait y avoir des millions de personnes pour réclamer la fin de la guerre et le début de la négociation, mais non : une façon d’attendre le Messie.

L’événement politique de l’année.

Cela fait 75 ans que le conflit n’est pas réglé et pas seulement à cause des conquêtes territoriales d’Israël qui ne vont pas sans d’épouvantables pertes humaines. Une vie palestinienne vaut bien une vie israélienne,mais, dans cette région du monde, ce sont les parents qui enterrent leurs enfants. La guerre sert les intérêts de petits groupes qui vivent des recettes du pétrole et de gaz, carburants exceptionnels pour entretenir la mort, la misère et le désespoir. Le raid ignoble du Hamas aura été l’événement politique de l’année en balayant de fausses certitudes. Les rois et dictateurs qui croient contrôler la crise n’ont pas compris qu’ils sont directement menacés. Par peur et par lâcheté, ils ne donnent pas au peuple qu’ils prétendent défendre ce dont il a un besoin urgent pour survivre.

Périr dans le brasier.

On a beaucoup espéré du Qatar, de l’Égypte ou de la Jordanie, mais les uns et les autres se contentent d’appliquer une méthodes vieille de trois-quarts de siècle alors que le vingt-et-unième a basculé dans une violence qui sied aux régimes autoritaires. Observez-les, les Poutine, les Xi, les Sissi et vous les verrez satisfaits alors qu’ils sont embringués dans une aventure qui finira par les balayer comme des fétus. Il ne faut pas douter de l’issue de cette crise en particulier et des conflits en général : ils finiront tous par périr dans les brasiers qu’ils ont si complaisamment entretenus. C’est  une note d’optimisme que démolit le bain de sang en cours.

 

RICHARD LISCIA

Ce contenu a été publié dans Non classé. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Une réponse à Gaza : l’accord impossible

  1. Jean Vilanova dit :

    « Nul homme n’est assez dépourvu de raison pour préférer la guerre à la paix. » Et si, cette fois, Raymond Aron avait tort ? En effet, qui pour nier que l’histoire de l’Humanité n’est rien d’autre que celle d’un grand étripage sans cesse réitéré ? Et nous en avons sous les yeux une nouvelle réplique. Russie, Moyen-Orient, Asie, demain USA peut-être… le énième ordre mondial qui se met en place ressemble à tous les autres. Il n’est que brutalité, obscurantisme, destruction et mort. Poutine et les autres dictateurs s’en frottent les mains. Il n’est que de le voir, lui, le pleutre longtemps terré dans son bunker courir partout en ce moment, la mine réjouie. Il sent le vent tourner en sa faveur. Pour lui, le conflit à Gaza est pain bénit. Les regards tournés ailleurs, il peut massacrer à son aise le peuple ukrainien tout en s’offrant le luxe de donner des leçons de modération tant aux terroristes du Hamas qu’à Israël. Quelle infamie ! Alors, jetant un regard froid à ce tumulte mortifère des questions me viennent à l’esprit. Nos bibliothèques, les grands textes ne sont-ils au fond que des erreurs, de brillants anachronismes, de splendides impostures ? La nature humaine justement, est-ce le merveilleux Borodine ou l’infect Poutine ? Est-ce Mozart ou Hitler ? Est-ce le petit sadique de cour de récréation ou sa malheureuse victime qui va en mourir ? Et en philosophie, est-ce Camus ou Sartre, Sartre justement, cette « poche de fiel », une description parfaite pour reprendre ici à mon compte les mots de Victor Hugo à propos de Marat, un autre psychopathe ? Est-ce dans l’ordre des choses que d’évoluer du préromantisme balourd de Rousseau propre à l’adolescence, au pessimisme extravagant de Schopenhauer ou de Cioran (deux très grands penseurs) une fois l’âge venu ?

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.