De Jérusalem à Kiev

Zelensky et Netanyahu
(Photo AFP)

Il est difficile de ne pas déceler la communauté de destins entre l’Ukraine et Israël. Les deux pays sont confrontés à une guerre qui menace leur existence. Au moment où l’on parle avec componction du respect du droit, la crise à laquelle ils font face résulte uniquement de l’emprise de la Russie et de la Chine sur les affaires internationales.

PARMI les erreurs commises par le gouvernement israélien, il y a eu l’illusion d’un rapprochement avec Vladimir Poutine qui aurait permis à Israël de faire valoir ses arguments devant les Nations unies. Un fiasco, car Poutine n’est pas homme à respecter sa parole. C’est le spécialiste de la trahison, comme on s’en est aperçu avec les distances qu’ils a prises avec l’Arménie et l’abandon du Haut-Karabakh à l’Azerbaïdjan. Vous ne pouvez pas demander à cet homme-là de faire autre chose que de protéger les intérêts russes tels qu’il les comprend. En Israël, Benjamin Netanyahu n’a cessé de câliner Poutine jusqu’au moment où l’ONU a dénoncé l’invasion de Gaza sans avoir un seul mot sur le carnage du 7 octobre.

Du Tiers-Monde au Sud global.

L’ONU ne redeviendra impartiale que lorsque la composition du Conseil de sécurité sera modifiée pour ne pas se comporter comme une rente de situation pour Moscou. Ce moment est lointain, mais il se produira, comme il s’est produit après la chute du mur de Berlin : l’effondrement du bloc soviétique et son choix d’une économie libérale que la Russie ne savait pas gérer ont permis aux Nations unies d’échapper au chantage exercé par ce qu’on appelait autrefois le Tiers-Monde et qu’on appelle aujourd’hui le Sud global.

Une position identique.

L’opinion publique mondiale exige de l’Ukraine qu’elle négocie avec la Russie sans avoir terminé la guerre ; elle exige d’Israël qu’il encaisse un coup presque fatal sans détruire les capacités militaires du Hamas. Les gouvernements ukrainien et israélien se retrouvent dans une position identique : gagner la guerre avant de négocier. De la même manière, on rappelle aux Israéliens qu’ils ne peuvent pas entraîner le monde arabo-musulman dans une guerre régionale et aux Ukrainiens qu’ils doivent faire des concessions territoriales. Ces reproches et conseils sont exprimés au nom du droit international et de la paix, mais, sans doute aucun, ils préparent de nouveaux conflits.

Mourir pour la patrie.

L’attitude du peuple ukrainien et du peuple israélien est la même : il s’agit tout simplement, de mourir pour la patrie. L’idée calomnieuse et largement répandue que Volodymyr Zelenski et Benjamin Netanyahu ont des appétits inextinguibles se fraie un chemin chez les gens qui ont si peu de mémoire qu’ils ont déjà oublié Bakhmout et Marioupol, Sderot et la rave party. Juifs et Ukrainiens sont donc les damnés de la terre, des gens sans foi ni loi qui ne gêneront plus personne quand ils ne seront plus là. Il fallait un consensus mondial pour que les juifs fussent exterminés pendant la guerre de 1939-45. Il en faut un autre pour que les Ukrainiens comprennent enfin qu’ils n’ont pas droit à un État.

Le tout accompagné d’une propagande diffamatoire qui voit des nazis partout, mais pas à Moscou ou à Gaza. Le récit historique risque, grâce aux gens prudents, à la sémantique choisie, de ne conserver que la ténacité de deux nations qui ne lâchent rien. Non, elles ne lâchent rien, surtout quand il s’agit de leur existence.

RICHARD LISCIA

 

 

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4 réponses à De Jérusalem à Kiev

  1. Alan dit :

    Merci, c’est important de le dire, et ça console un petit peu de la terrible atmosphère actuelle.

  2. Humblot dit :

    Excellente analyse. Merci.

  3. Doriel pebin dit :

    Merci pour ces commentaires pertinents et réalistes.

  4. JEAN WOLGA dit :

    Merci pour cet article qui présente une excellente analyse sur les deux points les plus chauds actuellement, et pour cette photo qui réunit les deux seuls chefs d’état ou de gouvernement juifs du monde, que le cynisme et la trahison de Poutine (qui a invité à Moscou des dirigeants du Hamas) ne pourra que rapprocher.
    Par contre, quand vous parlez de « consensus mondial » pour l’extermination des juifs ou pour la négation du droit des Ukrainiens à un Etat, vous exagérez un peu, car dans le premier cas le monde a simplement fermé les yeux (mais il y a eu quand même des « Justes »), et dans le deuxième cas il y a un soutien occidental à l’Ukraine (insuffisant certes et trop lent, mais conséquent).
    Réponse
    Je suis désolé de n’être pas tout à fait d’accord avec vous. Le monde n’a pas simplement fermé les yeux, il a abandonné le peuple juif à un destin atroce. Dans le cas de l’Ukraine, toute l’aide de l’extérieur ne l’empêche pas d’être une nation martyre.
    R. L.

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