À marche…forcée

Braun-Pivet et Larcher
(Photo AFP)

Il est tout de même curieux qu’une marche organisée pour dénoncer un antisémitisme alarmant donne lieu à une querelle à la Clochemerle entre les partis politiques.

L’INTENTION des présidents Braun-Pivet et Larcher était pourtant louable : il s’agissait de dresser la communauté nationale pour freiner l’ascension d’un antisémitisme maladif et nuisible pour la stabilité du pays. La marche n’a pas encore eu lieu que sont créées des différences entre les partis, tous, sauf LFI, étant prêts à participer à ce défilé entre l’Assemblée et le Sénat. Mais voilà : les démocrates ne marchent pas en compagnie du Front national qui sera rélégué en queue de défilé. La France insoumise, toujours convaincue que le Hamas est un mouvement de libération nationale, ne participera pas à la marche.

Loyauté au groupe.

Les manifestants ne seront pas obligés de porter un badge indiquant leur appartenance idéologique. On pourrait donc mélanger tous les courants pour donner une impression d’unité nationale. Il n’en est rien. Il est plus important de décrire son appartenance à gauche ou à droite que d’abattre un fléau contemporain. On porte ses convictions en bandoulière. Ce sont tous ces élus qui sont appelés à gouverner le pays. Ils sont, faut-il le préciser, moins bien organisés que les antisémites professionnels qui n’ont jamais autant fait parler d’eux. Là où il y a une grande cause à défendre, on ne trouve que disputes et méfiance. Là où se développe une crise qui ne fait guère honneur au pays, on se défausse sur la loyauté à l’idéologie.

Une action peu populaire.

Dans ces conditions; les Français juifs ne risquent pas d’espérer une amélioration de leur condition. Ils continueront d’être tagués, harcelés, interpellés,  bousculés et frappés. Ils se demanderont ce qu’ils font dans cette galère. Tout aussi isolés que les Israéliens, ils ne trouveront un peu de sollicitude qu’auprès du gouvernement, qui n’en est pas avare mais dont la popularité, hélas, ne croît guère quand il prend fait et cause pour nos concitoyens juifs.

Ce qui est nouveau.

Heureusement, toute crise révèle quelque chose de neuf. Le Rassemblement national s’est transformé en troupeau de moutons. Oui, ils seront là, en queue de défilé (statut quelque peu humiliant) et qu’importe. Les LR et la macronie ont trouvé des raisons de se rapprocher dans cette crise existentielle que déplorent tant de Français. Les communistes, qui ont jeté leurs vêtements staliniens, confirment qu’ils n’ont plus rien à voir avec l’antisémitisme. Quant aux écologistes, on ne sait pas trop où ils vont et eux non plus.

Un anachronisme qui a la peau dure.

Il n’est pas facile de démontrer que l’antisémitisme est un anachronisme qui a néanmoins pignon sur rue. De même qu’il n’est plus honteux de voter pour Marine Le Pen, de même il n’est plus choquant de parler des juifs en termes méprisants. Il y a  de quoi être pessimiste pour diverses raisons : on n’est jamais vacciné contre l’antisémitisme, il n’existe pas d’immunothérapie ; le fléau, depuis un siècle, accompagne toutes les défaites et victoires du pays, sans qu’il y ait entre l’issue de la bataille et l’antisémitisme une corrélation ; enfin, nous allons faire un bout de chemin, lui et nous. Il n’est pas sûr du tout que nous ne périrons pas avant lui ; il est plus probable que nous serons enterrés avant qu’il soit terrassé.

RICHARD LISCIA

Ce contenu a été publié dans Non classé. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

2 réponses à À marche…forcée

  1. phban dit :

    Hélas, je crains que vous n’ayez raison, le poison semble indestructible et trouve toujours des êtres assez vils pour l’entretenir.

  2. Jean Vilanova dit :

    Ce que l’on n’appelait pas encore « antisémitisme », terme remontant au XIXème siècle en Allemagne, c’est-à-dire hostilité, haine à l’égard des juifs remonte à l’Antiquité, aux Égyptiens, aux Grecs, à l’empire Perse. On en trouve d’ailleurs les prémices dans les anciens textes sacrés. C’est pourquoi, hélas, je ne pense guère me tromper en prédisant qu’il perdurera, partout ou presque, aussi longtemps que les humains eux-mêmes. Du peuple « déicide » aux âneries proférées récemment par un pauvre bobo décérébré officiant sur quelque radio de service public, des furies littéraires (Drumont, Céline et d’autres avant et après eux) à l’antisémitisme consubstantiel aux extrêmes, des déportations aux génocides et aux pogroms, cette calamité revêt toutes les formes, de tout temps. Selon les époques, l’antisémitisme est religieux, racial, économique, culturel et que sais-je encore… Mais il reste ce qu’il est, un mal qui n’a de cesse de brûler les âmes et les corps et qu’il importe de contenir sans répit et sans faiblesse car, je le répète, il ne disparaîtra jamais selon moi. Donc, maintenir les digues autant que faire se peut, je ne distingue pas d’autres moyens. Alors bien entendu, dans notre pays où les tensions et les peurs s’exacerbent, la marche de dimanche prochain à l’initiative de Yaël Braun-Pivet et Gérard Larcher mérite d’être saluée. Mais las, il n’aura pas fallu attendre bien longtemps avant que les petits calculs, l’étroitesse d’esprit, la mesquinerie et pour tout dire l’immense sottise de nombre de nos élus (pauvres de nous !) reprennent le dessus ! Devant des journalistes simples potiches qui ne font pas leur travail qui serait de rehausser le débat à son juste niveau, ces questions sur qui participe ou non, à côté de qui ou pas et avec quel drapeau me navrent, pire, m’accablent. Aussi, pour la grandeur de notre démocratie, pour notre dignité d’êtres humains mais aussi pour notre santé mentale, peut-on abandonner, pour une fois, ces minuscules à leurs picrocholines querelles ? Cette marche est d’abord la nôtre, à nous, citoyens de bonne volonté, de toute origine, croyants ou non.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.