Dupont-Moretti relaxé

Dupond-Moretti les yeux au ciel
(Photo AFP)

Le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, a été relaxé par la Cour de Justice de la République (CJR). Il y était jugé pour « prise illégale d’intérêts ».

POUR le garde des sceaux, pour la majorité et pour l’exécutif, la relaxe de M. Dupond-Moretti est un soulagement. S’il avait été condamné, il aurait fallu procéder à un remaniement ministériel alors que le ministre en exercice est embarqué dans une réforme et a obtenu pour son ministère un financement abondant. La CJR est composé de magistrats et d’élus et on voit mal pourquoi il n’y aurait pas de frictions entre les uns et les autres quand il s’agit de trancher entre la magistrature et le suffrage universel.

Une justice indulgente.

La CJR a été très critiquée, elle l’est encore plus depuis hier. Son action ne convient à personne parce que ses membres sont soupçonnés, à tort ou à raison, d’être proches de ceux qu’ils jugent. On a proposé de supprimer la CJR, Macron s’y est engagé sans l’avoir jamais fait. Elle a de beaux jours devant elle, mais elle se contente d’une justice indulgente: l’institution n’a jamais condamné un suspect autrement qu’avec le sursis.

Une vague suspicion.

Cependant, si la CJR sort toutes ses griffes, elle sera en mesure de déstabiliser le gouvernement. Cela en ferait une cellule inspirée par la Terreur à la façon de Robespierre. Cela dit, Éric Dupond-Moretti, l’homme qui terrorisait ls prétoires, est devenu tout doux. « Je veux tourner la page », a-t-il affirmé hier, comme s’il avait senti passer le vent du boulet. Il y aura toujours une vague suspicion de la population à propos d’une CJR qui, quoi qu’elle décide, ne satisfait vraiment personne.

L’affaire Dussopt.

Le gouvernement a passé ce cap et il en aura d’autres à franchir. La prochaine affaire est celle d’Olivier Dussopt, actuel ministre du Travail et ancien maire d’Annecy, accusé de favoritisme. L’affaire remonte à 2009 et il a fallu 14 ans pour que le tribunal correctionnel de Paris oblige le maire devenu ministre à comparaître. Les débats sont terminés, le verdict sera rendu plus tard. On peut s’interroger sur une démarche judiciaire qui a pris un temps aussi long, se demander s’il n’y a pas prescription et si cette guérilla interminable entre juges et citoyens a encore une signification.

Un tribunal pour les corrompus.

Il ressort de tout cela que, si nous sommes tous égaux devant la justice, elle omet trop souvent d’examiner le contexte du procès. Il n’est pas dit qu’un scandale ou une polémique représentent un désordre voulu par ceux qui souhaitent contourner la loi. La justice française doit être plus accessible et écouter les vecteurs de l’opinion (presse et médias).  Certes, la corruption étant partout, il faut bien avoir une institution pour juger ceux qui en profitent. Les juges doivent participer à la réforme. Sinon, ils en seront les victimes.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à Dupont-Moretti relaxé

  1. Jean Vilanova dit :

    Le droit que j’ai enseigné durant de longues et merveilleuses années est une matière qui exige mesure, prudence et humilité de la part de celles et ceux qui l’exercent. Il est aussi un humanisme. C’est pourquoi je reconnais mal cette magnifique matière dans un tel procès. Quelle triste image que celle de hauts personnages ne parvenant même pas à se hisser au-dessus de la haine qu’ils se vouent mutuellement ! Oui quelle triste image après d’autres il est vrai, comme par exemple « la harangue de Baudot », sorte de détonateur qui ne date pas d’hier et dont, si un jour vous m’en donnez l’occasion M. Liscia, je ferai un commentaire, le mur des cons, la participation active de magistrats à des manifestations politiques… Et puis je pense que la justice doit être rendue dans la clarté, « au nom du peuple français » et non pas par des juridictions d’exception, certaines pour le moins fumeuses comme l’est la CJR. Quant à M. Dupond-Moretti dont l’unique stratégie lorsqu’il officiait en tant qu’avocat consistait à humilier et détruire la partie adverse et, plus généralement, pour le haut mépris dans lequel il tient l’ensemble de ses contradicteurs, vous aurez compris que je ne compte pas parmi ses thuriféraires, très loin s’en faut. Garde des Sceaux toujours en exercice pendant son procès (on rêve !), le voilà donc aujourd’hui lavé de toutes poursuites. Il faut en prendre note. Pour autant, sur le fond, une juridiction anachronique pour une pitoyable affaire, quel beau cocktail, en effet ! Maintenant, pensons à la suite. Après un tel étripage en règle dont personne ne sort réellement grandi, comment le ministère de la Justice et la magistrature vont-ils pouvoir travailler de façon conjointe et sereine ? J’attends la suite avec appréhension.

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