Joe Biden a donné une conférence de presse hier dont l’essentiel reposait sur le changement radical de style, de sémantique et de langage corporel. Mais le principal effet d’annonce a été son projet de se présenter de nouveau en 2024.
C’EST une surprise, car elle balaie l’analyse selon laquelle le président des États-Unis, trop âgé, ne pouvait faire qu’un seul mandat. La vice-présidente Kamala Harris doit être déçue, qui pensait prendre la suite du chef de l’exécutif. Mais Biden n’a pas conclu de marché avec Mme Harris dans le sens des ambitions qu’elle nourrissait et continuera à nourrir quoi qu’il arrive.
Du coup, on découvre un Biden un peu moins raisonnable et beaucoup plus combatif qu’on ne le croyait. C’est parce qu’il est fier de son premier bilan : il a rendu la Maison Blanche à la décence et à la dignité, il a rétabli les relations de son pays avec l’Europe et l’OTAN, il a arrêté le financement du mur avec le Mexique, il a promis de veiller sur les immigrés, il a lancé un plan hors normes pour renforcer la croissance, il a fait vacciner les Américains à tour de bras. Tout juste peut-on le critiquer, et l’opposition républicaine ne manque pas de le faire, pour avoir créé, par des paroles généreuses, un appel d’air pour les migrants.
Fermeté avec Moscou et Pékin.
Joe Biden a aussi prouvé que « Sleepy Joe » n’existe que dans la tête de Donald Trump. Ses positions face à la Chine et à la Russie sont d’une fermeté extrême et ont provoqué une vive réaction des deux pays, qui ont sombré dans une logorrhée agressive, toute faite d’invectives et d’insultes. L’histoire retiendra cependant que les États-Unis ont donné un coup d’arrêt aux régimes autoritaires qui menacent la stabilité du monde : ils seront moins dangereux qu’aujourd’hui s’ils connaissent le prix à payer pour leur expansionnisme militaire, pour l’élargissement de leur zone de sécurité, pour la violence de leurs régimes, pour la façon qu’ils ont de se victimiser alors qu’ils se comportent en agresseurs systématiques. Biden a changé la donne : il y aura désormais une ligne jaune à ne pas franchir si l’autoritarisme de la Chine et de la Russie n’est pas contenu. Il montre à Poutine et à Xi qu’il peut les concurrencer sur le plan de l’agressivité et, au fond, ils en sont tout étonnés.
Droit et justice.
Si Biden est content de lui, c’est parce qu’il sait que les Américains ont obtenu de lui plus qu’ils ne le croyaient, qu’il a surpris ses alliés et ses adversaires à la fois, qu’il a apporté au peuple une raison d’espérer. Dans ces conditions, sa cote de popularité devrait augmenter et ceux qui ont voté Trump, mais ont bénéficié des largesses de Biden, commenceront à se demander si leur président actuel est vraiment le personnage lâche et laxiste que Trump avait décrit pendant la campagne électorale. Les quatre années de Trump ont fait régresser l’Amérique sur tous les fronts, économique, social, et surtout moral.
S’il avait obtenu un second mandat, il aurait achevé son programme de destructions des valeurs démocratiques, il aurait encouragé les actes les plus impies, comme le sac du Capitole en janvier, et aurait donné droit de cité au racisme, à la xénophobie et à des divisions idéologiques telles que le pays ne s’en serait sans doute pas remis. Voilà pourquoi le changement de programme et de style apporté par Biden a impressionné les Américains de la même manière que les méthodes éléphantesques de Donald Trump. L’ex-président célébrait la violence, le nouveau célèbre droit et justice.
Le trumpisme n’est pas un programme.
C’est important pour eux et pour nous. Inutile de nier que Trump avait déséquilibré les relations euro-américaines dès lors qu’il trouvait l’Union européenne « pire que la Chine », avec son sens si développé de l’amalgame. La nouvelle Amérique que Biden cherche à construire vient de sa propre formation, de son appartenance à un parti qui a toujours cherché l’apaisement et le compromis, elle vient du parcours politique accompli, de sénateur à vice-président de Barack Obama, ce qui n’est pas une carte de visite négligeable, de la confiance qu’il a dans les principes de la démocratie parlementaire. On a voulu parfois décrire ce pays comme le théâtre d’un affrontement idéologique entre deux tendances. Ce n’est plus vrai. Le « trumpisme » n’est pas un programme, c’est seulement une marque de fabrique et la pire expression de l’« unamericanism ».
On verra si l’âge et la santé de Biden l’autoriseront à briguer un second mandat. Quatre ans, pour un homme de 78 ans, c’est long et un homme qui veut rester président jusqu’à 82 ans, record de la gérontologie présidentielle, ce n’est pas très raisonnable. Mais cet homme-là surprendra encore.
RICHARD LISCIA