Un incident russo-US

Un « Reaper » au-dessus du Nevada
(Phot AFP)

Deux avions Soukhoï russes ont abattu un drone Reaper au dessus des eaux internationales de la mer Noire, au sud de l’Ukraine. Malgré la gravité de l’incident, les autorités américaines l’ont attribué à une « acte irréfléchi » de l’aviation russe tandis que le Kremlin se dégageait de toute responsabilité, comme d’habitude.

LA CONCEPTION des rapports internationaux de la Russie est plutôt mal adaptée aux situations de crise. Les Russes ne peuvent pas cacher un acte délibéré d’agression qu’ils ont commis, mais ils le font quand même, grâce à leur capacité de transformer un accrochage sérieux en « fake news ». Ce qui est intéressant, c’est non seulement le déni russe, mais la  sémantique élaborée de la Russie, qui rêve, en quelque sorte, de conduire une guerre clandestine.

La grande faucheuse.

Reaper, en français, veut dire moissonneuse, mais loin de contribuer à la récolte du blé, le mot devrait être traduit par grande faucheuse, la mort munie de sa faux. Le drone américain se trouvait dans les eaux internationales, il était désarmé et n’avait à accomplir qu’une mission de reconnaissance. Les deux Soukhoï ont fait une sorte de danse du ventre autour de lui, d’abord en l’aspergeant de carburant, puis en touchant malencontreusement son hélice, ce qui a précipité sa chute dans les eaux de la mer Noire. Les Russes n’ont donc respecté aucune des règles du droit international et devraient, dans ces conditions subir une rétribution militaire.

Indulgence du Pentagone.

Ce n’est pas l’avis du Pentagone, dont l’indulgence a atteint un sommet. Le gouvernement américain, avec un sang-froid remarquable, s’est contenté de dénoncer la maladresse des pilotes russes, prêts à appuyer sur la gâchette, mais pas très ingénieux quand il s’agit de se débarrasser d’un drone. La réaction des États-Unis était tellement inattendue que le Kremlin a préféré nier toute l’affaire, en attendant de trouver une explication sur le largage de carburant et un rodéo aérien avec prise de risque maximale.

Fatigue mentale.

D’aucuns diront que, si bien traités par la sémantique américaine, les Russes seront tentés de récidiver. En réalité, ils ont besoin d’une leçon et la prochaine fois, ils éviteront de prendre le risque de déclencher un conflit militaire avec les États-Unis. L’affaire témoigne de la fatigue mentale de l’aviation russe, sans doute peuplée de têtes brûlées qui veulent en découdre et ont assimilé sans réserves la propagande du Kremlin. Les pilotes russes n’ont sans doute pas appris qu’un seul de leurs gestes risquait de conduire à une guerre nucléaire. C’est parce qu’ils se nourrisent aux « talk-shows » qui, tous les jours, grâce à des commentateurs aussi compétents qu’eux, ils pulvérisent dans leurs rêves les puissances ennemies.

Une forme de folie.

On veut bien ne pas paniquer, garder son sang-froid et ignorer une affaire où l’avant-garde technologique heurte de plein fouet l’épaisse bêtise d’esprits plus demandeurs de violences que de logique. Cette bétise est, en quelque sorte, une forme de folie : la course aux médailles et aux honneurs sur la place Rouge a infiniment plus de valeur que la paix. Consentira-t-on enfin à reconnaître que Joe Biden, traîné dans la boue urbi et orbi a plus de maîtrise de soi et même d’humour que le sieur Poutine ? Voilà un maître d’école coriace, qui, d’un mot (irréfléchi), a ridiculisé l’aviation militaire russe, pas plus fûtée que la civile ? Si cette guerre, avec son cortège de crimes, n’était aussi horrible, il y aurait de quoi rire tous les jours à assister à cette pantomime kremlinesque peuplée de guignols qui, à défaut de nous épouvanter, nous offrent sans discontinuer leur patriotisme de circonstance.

RICHARD LISCIA

 

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La faillite de la SVB

Joe Biden pas inquiet pour un sou
(Photo AFP)

Une banque californienne, la Silicon Valley Bank, a fait faillite il y a quelques jours, ce qui a fait soufler un vent de panique sur les marchés mondiaux, malgré les appels à la raison lancés par les banques centrales et par les gouvernements.

PEU DE GENS, en dehors de sa propre clientèle, ont entendu parler de la SVB, banque à la fois efficace dans le financement des start up et très discrète. La chute de la SVB n’a pas été accompagnée par d’autres dépôts de bilan, mais elle a entraîné un mouvement d’inquiétude que les autorités financières américaines et le président Joe Biden en personne ont tenté de calmer pour éviter une crise comparable à celle de 2008. L’incertitude vient principalement de mesures contradictoires : pour combattre la surchauffe inflationniste, les banques centrales ont vivement augmenté les  taux d’intérêt. Aujourd’hui, la question se pose : faut-il continuer de les augmenter, alors que le président Biden s’est engagé à rembourser la totalité des épargnants de la SVB ?

Des risques raisonnables.

Il y a en effet une bonne raison, pour les investisseurs, de se rassurer grâce à la générosité de M. Biden. Le mouvement de panique, aux États-Unis et en Europe, a cessé, un peu comme si M. Biden avait été convaincant. Mais le sentiment général est que la SVB n’est qu’une petite banque et ne saurait être comparée à l’effondrement des gros mastodontes en 2008. En outre, les investisseurs ne doivent pas se plaindre : leur métier est de prendre des risques, et, à l’occasion, quelques bouillons.

Le poison du laissez-faire.

Cependant, la faillite de la SVB ne se serait pas produite si les États-Unis, comme l’Europe, avaient mis en œuvre les règlements adoptés en 2008. Le laissez-faire a été un poison pour la SVB en particulier et pour la sécurité financière en général. Le gouvernement américain et la banque centrale des réserves (Fed) n’ignoreront pas que des fautes ont été commises et en poursuivront les responsables. Il n’est pas question que le réseau bancaire américain soit menacé par la spéculation de quelques-uns. L’ordre et la confiance ne reviendront sur les marchés qu’à ce prix.

Trois règles.

Ce que les Américains n’ont pas fait par laxisme et par paresse libérale, ils doivent le faire en montrant les crocs au nom de l’intérêt général. L’affaire de la SVB a en effet des racines idéologiques : on continue à croire que le marché se corrige tout seul alors qu’il ne le fait que sous la pression de l’urgence. Il ressort de l’affaire trois éléments essentiels :

  1. L’intervention de l’Etat et de la Justice est absolument indispensable en cas de danger, même lointain, pour le système.
  2. Les épargnants  doivent être protégés et distingués des investisseurs professionnels.
  3. La population doit admettre les règles, parfois vertigineuses, du marché tant qu’il s’agit d’une économie non dirigée.  Il est temps que le gouvernement américain prenne conscience des risques auxquels un excès de libéralisme expose la société américaine. RICHARD LISCIA
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L’équation insoluble

Macron dépeint en monarque absolu
(Photo AFP)

Ou bien le gouvernement réussit, d’ici à jeudi, à réunir une majorité absolue avec l’aide des Républicains ; ou bien il n’y parvient pas et la seule issue pour lui est de dégainer le 49/3.

OR IL N’Y A aucune certitude quant à l’afflux des voix LR, alors qu’un vote majoritaire est  infiniment plus légitime que le recours à un article que le gouvernement a déjà beaucoup utilisé. La suite dépend de cet épisode. Dans le cas d’une majorité absolue, l’exécutif aura gagné en légitimité et mis en opposition la majorité de l’opinion et la majorité parlementaire. Dans le second, le résultat sera déclaré illégitime par la France entière, même si l’article 49/3 figure  bel et bien dans la loi fondamentale.  C’est un peu l’avenir de la macronie qui est en question. Avec les voix de LR, le gouvernement amorcerait une stratégie qu’il n’a jamais cachée depuis que sa majorité est seulement relative. Il a déclaré qu’il ferait des réformes avec des majorités de circonstance, selon que la gauche ou la droite veulent bien « prêter » leurs suffrages.

Le danger du 49/3.

Le recours au 49/3 semble même hors de portée de l’exécutif. Il serait suivi par un tel tollé dans l’opinion publique que l’opération se révèlerait désastreuse et encouragerait le mécontentement jusqu’à la violence. C’est d’ailleurs pourquoi hier les ténors du gouvernement n’ont cessé de déclarer qu’il n’était pas question du 49/3 et se disaient optimistes quant à la posibilité de trouver la cinquantaine de suffrages qui manquent à la majorité absolue. Ce qui signifie que, en réalité, ils ne disposent que d’une option, dont l’inconvénient majeur est l’importance qu’elle donne aux Républicains, qui sont toujours dans l’oppposition, malgré le bout de chemin qu’ils ont consenti à faire avec la macronie au sujet de la réforme des retraites.

Ma réforme !

Cependant,  LR s’est profondément impliqué dans le modelage de la réforme au point que Bruno Retailleau, chef des sénateurs LR, a pu déclarer fièrement qu’il s’agissait de SA réforme des retraites ! Voilà Renaissance habillée pour l’hiver et livrée à toutes les formes de démagogie, d’autant que LR, pour mieux se démarquer de la macronie aux yeux de l’opinion, continue, non sans un certain cynisme, à la bombarder de commentaires vénéneux.

Un facteur illogique.

La réélection d’Emmanuel Macron avec une majorité relative l’an dernier contenait donc une faiblesse structurelle dont la macronie ne s’est rendu compte qu’au moment du lancement de la réforme. Une faiblesse sérieuse puisqu’elle va jusqu’à la crise de régime. Aussi n’est-il pas exagéré d’imaginer une victoire à la Pyrhhus avec un vote majoritaire mais suivi d’une telle exaspération populaire que le président de la République se verra peut-être contraint de faire un geste important, par exemple la dissolution de l’Assemblée nationale et des élections anticipées qu’il risque de perdre. Il peut aussi les gagner car, contrairement aux supputations arithmétiques que nous avons exprimées plus haut, il y a un facteur illogique dans tout raisonnement politique.

Quand tout est perdu…

En effet, la perspective d’une bataille électorale accroît les tensions mais  elles montreront que, en dehors de Macron, il n’y a pas grand-monde pour briguer la présidence. Le tout-Paris pense que ce sera le tour de Marine Le Pen, mais rien n’est moins sûr. On a trouvé, ces dernières semaines, les ministres quelque peu fatigués,ou trop jeunes ou incompétents mais il y a encore des poids-lourds, Édouard Philippe, Bruno Le Maire, et d’autres qui sont capables de succéder à Macron et de poursuivre sa politique. Comme quoi, quand tout est perdu, le mot renaissance a une signification bien réelle.

RICHARD LISCIA

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La réforme cahin-caha

Macron hier au Comité d’éthique
(Photo AFP)

Tous les syndicats ont demandé une rencontre avec Emmanuel Macron, mais le président de la République reste sourd à leurs appels, feignant de laisser sa Première ministre s’en occuper. De plus, il ne souhaite pas repéter aux syndicats qu’il n’est pas question pour lui de retirer le projet.

SON ATTITUDE contient les ferments d’une colère croissante qui se retrouvera sur le terrain et prolongera la crise. Bien entendu, personne n’ignore qu’il se tient informé heure par heure des travaux du Sénat et, lors de ses multiples entretiens téléphoniques avec Élizabeth Borne, il compte les voix des élus potentiellement favorables à la réforme sans avoir atteint, à ce jour, la majorité absolue, ce qui signifie qu’il va devoir décider de recourir à l’article 49/3 de la Constitution, qui lui permettrait d’adopter la loi sans vote.

Un précédent : le Smic jeune.

Cette perspective n’est pas la meilleure. On a déjà vu, avec Chirac, une loi sur un salaire minimum pour les jeunes soulever de larges manifestations au terme desquelles la loi a été adoptée pour épargner son auteur, Dominique de Villepin, alors Premier ministre, mais pas appliquée. Le Sénat a adopté l’article 7 du projet qui prolonge les carrières de deux ans, donc à 64 ans, mais l’opinion et les syndicats restent de marbre devant cette avancée.

Fièvre de cheval, remède de cheval.

Tout se passe comme si le pays, atteint d’une fièvre de cheval capable de le tuer, réclamait un remède non pas technique, mais institutionnel, par exemple la dissolution de l’Assemblée et des élections anticipées. Ce n’est pas forcément la panacée. Si un tel geste aurait pour effet immédiat d’éteindre l’incendie, personne ne peut dire quelles forces surgiraient de telles élections. La gauche affirme qu’elle se renforcerait assez pour écarter la réforme des retraites, les Républicains ne sont pas sûrs de retrouver le même nombre de députés et la majorité, déjà relative, pourrait perdre des élus. Ce qui poserait alors la question de la légitimité même du président.

Condamné à dire non et jamais oui. 

La solution institutionnelle est d’autant plus hasardeuse que la Cour des Comptes, constatant que la dette publique atteint 111% du PIB et 3 000 milliards d’euros, demande au pouvoir de commencer à éponger ses dépenses. Autrement dit, la crise des retraites et la crise financière retentissent l’une sur l’autre. La gauche propose une hausse des impôts, ce qui n’est pas la meilleure idée quand on se rappelle que nous sommes le pays d’Europe où la pression fiscale est le plus élevée. De sorte que le chef de l’État sait rejeter avec force toutes les idées dangereuses, mais il est condamné à ne pas bénéficier d’une solutiuon susceptible de réduire le marasme.

Le « en même temps » désavoué.

La France est donc tombée dans une ornière d’où elle ne sait pas sortir. La réélection d’Emmanuel Macron l’an dernier avec une majorité relative contenait un poison violent. Il a réagi avec étonnement mais il a tout de suite pensé qu’il pouvait, pour les retraites, obtenir un accord avec les Républicains ou, d’une façon générale, sur chaque dossier, négocier un soutien de tel ou tel parti. Moins d’un an après sa réélection, par ailleurs brillante et qui a écarté les extrêmes pour cinq ans, sa martingale ne fonctionne pas du tout. Il se bat contre une adversité trop forte parce que le peuple a voulu contrôler son action politique par le biais des partis, transposant ainsi des éléments de la Quatrième République dans la Cinquième.

Cette République à deux visages, dieu Janus de la politique, est un modèle d’immobilisme. Si la réforme ne passe pas, le reste du mandat sera sans intérêt. Des réformes sociales seront possibles  (il y a un consensus autour de la liberté d’avorter) et dans le domaine de l’environnement. Mais l’action du pouvoir sera ralentie par la recherche d’un successeur à Macron.

RICHARD LISCIA

 

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Gisèle dans les pas de Simone

Gisèle Halimi avec Chirac en 2006
(Photo AFP)

La décision d’Emmanuel Macron d’ouvrir les portes du Panthéon à Gisèle Halimi répond à une impatience publique. La Journée internationale de la femme du 8 mars offrait au chef de l’État l’occasion unique d’un beau discours et d’une juste décision.

GISÈLE HALIMI, en effet, a été de tous les combats féministes, en même temps que Simone Veil mais peut-être avec plus d’efficacité. Le chemin a été long, semé d’embûches, pour l’IVG, et la France a à peine commencé à le parcourir. Au moment où le pays cherche une égalité hommes-femmes improbable, le déséquilibre entre les revenus de ceux-là et de celles-ci est flagrant. Le libéralisme français n’a pas d’équivalent et, en Europe, nos partenaires ne sont pas tous prêts à nous imiter, tandis que d’autres nous ont dépassés. Il n’est pas vain qu’un président applaudisse post-mortem une femme qui a apporté de la flexibilité à une société bourgeoise, enfermée dans des dogmes caducs.

Une révolution morale.

Simone Veil et Gisèle Halimi ont été complémentaires, l’une en accédant au pouvoir pour y défendre une révolution morale, l’autre en criant à la cantonade de simples vérités. L’interdiction de l’IVG fonctionne comme une chape de plomb : elle expose la femme à l’effroi, à la solitude, au danger médical. Il fallait donc l’abolir, banaliser l’avortement en rétablissant, une fois pour toutes, la liberté d’avorter plutôt que le droit. C’est le début d’une révolution morale chargée de symboles qui éblouissent le peuple avant de l’associer au changement. On peut réformer le statut de la femme française, mais pas les régimes de retraites ?

Aux forceps.

C’est une bataille qui prendra des années, des décennies, des siècles, dès lors que des pays clos cantonnent les femmes dans le dénuement, l’ignorance, la solitude et le désespoir. Tout, dans ce qui arrive, les tensions internationales et la guerre pure et simple, relève d’une manière de penser anachronique et périmée. Alors qu’il existe un moyen simple d’affranchir les femmes : le referendum qui leur donne enfin l’occasion de s’exprimer. La France offre l’exemple le plus positif ; ailleurs, il faudra que les femmes obtiennent leur liberté au moyen des forceps.

Une tempête nationale.

Le peuple français subit une tempête psychologique, affective, où la peur se mêle à la colère, où chacun s’accroche à sa liberté comme le naufragé à un débris, mais où le soleil pointe à l’horizon parce que le déséquilibre entre hommes et femmes sur les plans social, moral et économique constitue une injustice chaque jour un peu plus insupportable. Les régimes autoritaires qui martyrisent leurs propres peuples sont l’ultime rayon de l’intolérance. À terme, ils sont condamnés. À terme, ils disparaîtront. Il appartiendra alors aux femmes de prendre la relève, notamment dans l’éducation et la santé. On peut adresser à Macron tous les reproches de ce monde, on ne peut pas ignorer son intuition de la direction du vent de l’histoire.

RICHARD LISCIA

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Un double bras d’honneur

Olivier Marleix
(Photo AFP)

Un incident s’est produit hier à l’Assemblée nationale. Le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, a fait un double bras d’honneur au président du groupe LR, Olivier Marleix, après que celui-ci eut récité la litanie des affaires où sont compromis des élus de la macronie.

ASSURÉMENT, l’ambiance à l’Assemblée nationale reste extrêmement tendue. C’est le résultat normal d’une tension née du régime des partis si peu adapté à la Cinquième République. Le discours de M. Marleix n’avait rien à voir avec l’actualité. Son texte avait pour seul objectif de prendre ses distances avec la majorité au moment où les Républicains sont tentés de la rejoindre pour voter la réforme des retraites.

Pas besoin d’ennemis.

Ce n’est pas la première fois que M. Marleix adopte une telle attitude. Pas un mot n’est dit dans les tractations sur la réforme qui ne soit assorti d’une agression verbale contre la macronie : avec de tels amis, on n’a pas besoin d’ennemis ! Cependant, la majorité, cernée par les oppositions, n’a pas d’autre choix que de trouver l’indispensable réserve de suffrages chez les Républicains. On mesure ainsi le rôle essentiel que joue LR qui, conformément au schéma formé par la dispersion des suffrages, se retrouve, dans cette affaire, dans un rôle d’arbitre, largement supérieur à l’influence de ses propres effectifs.

Un rôle négatif.

Le Garde des Sceaux s’est fait beaucoup prier avant de s’excuser enfin auprès de LR.  Mais, sous la pression de Yaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée nationale, il a fini par comprendre que sa position personnelle devenait intenable. Ainsi se déroule une procédure parlementaire gonflée par la haine qui va à l’accord avec des arrière-pensées assassines. La question posée porte sur le rôle négatif que jouent quelques ténors de tous les partis, prompts à abaisser le niveau de dignité de la représentation nationale, alors que le Sénat donne l’exemple en organisant des débats apaisés.

Déloyal et grotesque.

Un remaniement devient l’issue certaine de tous ces dérapages. Il faut que les ministres sachent garder leur calme. L’hémicycle ne peut pas se transformer en bataille de chiffonniers permanente. De l’autre côté, M. Marleix ne peut pas continuer son petit jeu pervers, qui consiste à assassiner la majorité tous les jours pendant qu’il compte les voix susceptibles  d’aller au oui à la réforme. C’est d’abord un stratagème déloyal. C’est ensuite grotesque parce que personne n’est dupe et que tout le monde sait que les Républicains sont obligés de voter la réforme, s’ils ne veulent pas décevoir leurs électeurs. L’opinion sera médusée par la médiocrité de ces débats marécageux où la question n’est pas l’intérêt général mais les complots  qui se veulent secrets et affleurent à la surface des choses.

L’Assemblée a revêtu le masque du pays, elle est lasse et peuplée de jeunes désabusés. On s’y insulte, on s’y bat. C’est totalement contraire à la démocratie. Il y a un langage élégant qui a fait les meilleures heures de l’hémicycle, il y a une décence qui forme l’armure de la démocratie. Le sentiment croissant, en France, c’est qu’il va être nécessaire de repartir de zéro et de changer nos têtes pensantes.

 

 

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Le choc des légitimités

Olivier Dussopt à l’Assemblée
(Photo AFP)

Le gouvernement et les syndicalistes s’accusent réciproquement de se comporter en institutions illégitimes. Il y a du vrai dans ce qu’ils disent, même si la colère n’excuse pas des actes que la loi sanctionne. 

LE PROBLÈME vient de ce que les textes ne sont pas appliqués. D’une part, le gouvernement utilise trop les recours autoritaires, comme l’article 49/3 de la Constitiution, pour faire passer des décisions sans vote ; d’autre part, les syndicats étendent leur droit à faire grève à des actes de blocage, d’empêchement des salariés à se rendre sur leur lieu de travail et à faire la police sur les routes et les ronds-points, tous actes que la loi interdit.

Le nouveau droit de grève.

Les pouvoirs publics pour leur part, ne contournent pas la loi. Ils sont confrontés à de vieilles habitudes, acquises au cours de l’histoire des conflits sociaux, qui ont remplacé le droit par des actions illégales. Vous aurez peut-être remarqué que ces comportements ne sont jamais sanctionnés et sont  apparentés des initiatives licites, qui n’ont pourtant jamais existé dans le droit de grève français. Un autre élément favorise le penchant des Français à juger courageux non seulement la grève mais aussi les blocages : les sondages d’opinion qui créent un terreau fertile pour les actes d’intolérance et menacent la démocratie, ce dont les syndicalistes se moquent, eux qui voient dans le « système » la source de tous les maux dont souffre le peuple.

Les maîtres de l’économie.

La grève et ses succédanés est donc une grande entreprise d’inversion des valeurs : tout d’abord, des camarades syndiqués deviennent les maîtres de l’énergie et de l’économie, ce qui leur permet d’infliger à leurs concitoyens toutes sortes de nuisances, par exemple l’abolition de leurs libertés, qui en font des victimes alors que c’est au nom du peuple que le bazar s’installe. Ensuite, pour autant que les caisses syndicales le leur permettent, ils tentent de camper sur la grève aussi longtemps qu’ils sont protégés par le non-paiement des salariés aux grévistes.

De gauche ou de droite.

Si l’on prend un peu de distance par rapport aux événments, on s’aperçoit que toutes les grèves sont organisées en marge de la loi par des gens qui crient leur douleur pour faire croire qu’ils souffrent intensément, mais qui n’hésitent jamais à prendre sur leurs concitoyens un ascendant que rien objectivement, ne leur confère. C’est dans ce contexte plutôt grave et alarmant que se forment de vains débats. Le ministre du Travail, Olivier Dussopt, ayant décidé tout seul que la réforme était « de gauche », le pays a réagi par des quolibets nationaux. Car elle n’est ni de gauche, ni de droite et c’est peut-être la seule qualité qu’elle ait. Observez cette crise : les syndicats font de la politique comme jamais, le pouvoir agit comme s’il était totalement indifférent à l’idéologie, l’agitation, la confusion, la communiation, parfois incompréhensible, noie dans les mots la réalité du terrain.

Remaniement ?

Emmanuel Macron ne peut pas nier l’état de déliquescence du pays, bien qu’il ait contribué à cette immense désordre. Il est attaqué par tous et très mal défendu par les siens, soit qu’ils sont incompétents, soit qu’ils parlent assez pour jeter de temps à autre une grenade dégoupillée. On se demande, bien sûr, vers quel chaos nous courons tous ensemble :  49/3, dissolution, ou encore remaniement, qui pourrait être gouvernemental, c’est-à-dire avec changement de Premier ministre.

RICHARD LISCIA

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La France « à genoux »

Martinez et Brun quittent Matignon
(Photo AFP)

La réforme des retraites prend une bien mauvaise tournure, avec un forme de guerre civile peu appropriée à un pays stable. On croirait que s’affrontent des Russes et des Ukrainiens. Tandis que syndicats et gouvernement se livrent un combat acharné, les grévistes, peu soucieux du droit des citoyens à la mobilité, entendent poursuivre tous les blocages à partir de demain.

CETTE CRISE a duré trop longtemps pour espérer qu’elle se dégonfle en quelques jours. La réforme est trop détestée par le public pour qu’il tienne compte des inconvénients sérieux qu’elle lui apporte. Dès dimanche, des barrages filtrants étaient installés sur les routes ; les écoles seront pratiquement vides mardi, ceux qui le peuvent se replieront sur le télétravail. Nous sommes là devant un cas d’école : les syndicats, qui s’estiment maltraités, ne reculeront pas d’un pouce ; le gouvernement, qui a mis toute son énergie dans la réforme, ne reculera pas non plus. On peut donc s’attendre à une grève longue et dure qui coûtera cher à l’économie.

Vers le chaos.

L’histoire dira qui, des pouvoirs publics ou des organisations syndicales, est responsable du chaos vraisemblable qui va se produire. Les conséquences politiques de la grève sont évidentes : la majorité, inquiète, va s’effriter. Les Républicains qui ont joué avec le feu pendant toute la procédure parlementaire pour faire admettre à l’opinion que ce sont eux et non les députés de la majorité qui ont écrit la réforme, seront accusés d’opportunisme. La gauche Nupes a tout simplement oublié de défendre les intérêts du peuple et des entreprises en multipliant les amendements et les actes d’obstruction ; le Rassemblement national, exceptionnellement discret, attend de cueillir les marrons de feu.

Prise d’otages.

On peut être pour ou contre la réforme. On ne peut pas nier que l’intérêt supérieur du pays, croissance, emploi, stabilité a été remplacé par l’intérêt des partis, qui cherchent davantage à gagner des effectifs qu’à protéger les victimes de la prise d’otages. On s’adressera de la même manière à Emmanuel Macron. Il veut cette réforme, et il en fera d’autres, sur l’immigration notamment. Mais il ne peut pas accepter de démolir le pays sous le prétexte qu’il veut meubler son second mandat par des actes décisifs.

L’entourloupe du siècle.

C’est comme à la foire où, pour avoir un cadeau, il faut abattre le plus grand nombre de silhouettes. La réforme des retraites est nécessaire ; il n’y a pas de bonne réforme sans prolongation de toutes les carrières ; nous n’avons pas assez d’actifs qui paient avec leurs cotisations les pensions de leurs aînés  ; je ne sais pas où Laurent Berger (CFDT, syndicat réformiste) a trouvé l’idée que la « mesure d’âge » était le la pire des tares sociales. Aujourd’hui, on vit plus longtemps, avec une meilleure qualité de vie. Ce n’est pas le moindre paradoxe que le projet d’Emmanuel Macron ait été présenté comme l’entourloupe du siècle.

Les bannières négatives de la  CGT.

Ce qui est sûr, c’est la nocivité de la grève reconductible et du blocage. Ce sont deux valeurs négatives que la CGT brandit triomphalement comme si elle étaut mue par la justice. On verra jusqu’où les grévistes pourront tenir, de combien de salaires ils seront privés. On verra si le maintien des régimes spéciaux, privilège féodal, sera accepté encore longtemps par le citoyen lambda qui n’est rien aux yeux de l’âme damnée de Philippe Martinez à la CGT, Laurent Brun.

Le monde nous observe à la fois avec stupeur et inquiétude : mais où ces diables de Frenchies croient-ils aller de ce pas ? S’il y a du courage dans la révolte, il n’y a plus que bêtise dans la plus mauvaise des analyses. Les grévistes ont su se faire entendre. Mais ignorer la logique arithmétique qui nous est proposée par les pouvoirs publics, c’est pur aveuglement.

RICHARD LISCIA

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Le spectre de l’inflation

Bruno Le Maire désarmé devant l’inflation
(Photo AFP)

Bien que l’inflation soit relativement modérée en France, les pouvoirs publics sont bien en peine de la juguler. Les négociations entre producteurs et distributeurs se sont terminées au  profit des seconds, malgré les efforts de Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, pour juguler la hausse des prix.

LE GOUVERNEMENT annonce un bond des prix, notamment dans l’alimentaire, de l’ordre de 15% dans les trois mois qui viennent. La plupart des consommateurs, ceux qui estiment avoir donné leur livre de chair à l’inflation sont tout simplement terrorisés. Les pressions sur l’industrie seraient plus efficaces si l’État pouvait interdire la hausse, mais une telle option conduit tout droit à la récession.

La France se défend.

La France n’est pas mal placée qui, en Europe, a maintenu ses prix à un niveau plus abordable que chez nos voisins et concurrents. Mais elle a peut-être besoin d’aller plus vite en matière d’inflation parce que son économie est plus fragile.  L’indignation des consommateurs n’est ni feinte ni excessive. Des produits bon marché disparaissent des gondoles et sont remplacés par des produits plus chers. Le lait, le beurre, le pain ont déjà beaucoup augmenté. Les clients passent leur temps soit à réduire leur consommation, soit à faire les comptes tous les jours pour être sûrs de parvenir à la fin du mois sans être ruinés.

Des filières peuvent disparaître.

La hausse des produits frais  risque de ruiner les agriculteurs et les viticulteurs. La concurrence européenne est très vive. Notre balance commerciale est de plus en plus dégradée par le recours aux importations. L’appauvrissement de l’industrie agro-alimentaire risque de se traduire par la disparition de plusieurs filières. La hausse des prix a ceci de particulier que, sur le marché, elle constitue une chance pour le paysan et une occasion pour le distributeur, surtout s’il manque de scrupules. La disparition des produits bon marché est une excellente technique pour faire monter les prix. Les clients verront le retour d’anciens produits avec bonheur car ils auront l’impression qu’il s’agit pour eux d’un répit.

Un marqueur psychologique.

L’évolution des prix n’est pas qu’une question de chiffres, c’est un marqueur psychologique. Comme pour la météo, le « ressenti » explique la résignation ou la révolte du client. Si le prix lui paraît élevé, il s’indigne et cesse de l’acheter. S’il lui paraît raisonnable, c’est parce que le client a oublié le prix du produit avant l’inflation. Cependant, il y a une lueur au bout du tunnel. Associé à la hausse des taux d’intérêt, l’inflation de vient rapidement intolérable, favorisant le chômage. Sur le front duquel le gouvernement a obtenu des succès non négligeables, mais demeurent fragiles. La tâche est rude pour Bruno Le Maire qui craint qu’en mettant le couvercle sur l’inflation, il ne fasse exploser la cocotte.

RICHARD LISCIA

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Macron l’Africain

Avec le président Ali Bongo, à Libreville hier
(Photo AFP)

Le président de la République fait en ce moment une tournée dans trois pays africains, le Gabon, le Congo et l’Angola. Ce périple a peu de chances d’améliorer les relations franco-africaines.

EMMANUEL MACRON a choisi trois pays dont les régimes ne sont pas hostiles à la France et qui ne sont pas des démocraties. Il n’était pas question pour lui de se rendre au Mali ou au Burkina Faso, deux pays qui ont préféré la milice russe de Wagner au soutien militaire français. Pour des raisons diverses, la jeunesse de ces pays est convaincue que la France continue à jouer en Afrique un rôle colonial, alors que c’est le gouvernement malien qui a appelé la France à la rescousse quand des colonnes de djihadistes menaçaient de prendre Bamako. Il ne s’agit pas d’un malentendu que l’on peut effacer avec une bonne conversation. Au Mali, il y a eu deux coups d’État militaires et la junte au pouvoir encourage la propagande contre la France.

Deux échecs.

Macron court donc vers deux échecs : il ne va pas réduire la crise anti-France en discutant avec des gouvernements qui lui sont favorables et il n’aura aucune infuence sur la nature de ces régimes puisqu’il ne craint pas de se rapprocher d’eux. Sa démarche contient donc une contradiction due à l’absence de dessein. Il aurait dû redéfinir la position de la France avant d’aller en Afrique, répéter que notre pays subit un manque de gratitude incroyable quand on sait que nous avons payé notre intervention au Mali de la mort de plus de 50 de nos soldats, sans compter le coût de l’opération Barkhane.

Une dose de démagogie.

Cependant, le voyage du président pare au plus pressé : il s’agit principalement de signifier à la Russie et, accessoirement, à la Chine, que la France reste présente en Afrique. M. Macron a dit, à juste titre, que les Maliens au pouvoir finiront eux-mêmes par se lasser des Russes. Dans ce genre d’affaire, l’anti-francisme se nourrit d’une dose énorme de démagogie et il ne faut pas trop faire confiance à Wagner pour ne pas commettre des exactions là où vont ses miliciens. Demandez aux Ukrainiens ce qu’ils en pensent.

Macron fait de la Realpolitik.

Curieusement, Macron, habituellement chantre de la démocratie, s’est transformé en adepte de la Realpolitik : il n’écartera pas les pays africains gouvernés par des militaires et il développera les liens de la France avec les nations qui lui sont favorables, ce qui lui permettra de contrer la dérive des réseaux sociaux. C’est un plan de qualité médiocre dès lors qu’il n’est pas assuré de réussir. Mais c’est le plan dicté par les circonstances historiques. La Russie, en effet, entend rester durablement en Afrique et seuls les Africains peuvent l’en déloger. De sorte que les pays dirigés par des juntes ou des gouvernements arbitraires n’ont rien de commun avec les autres. De fait, les efforts de l’Afrique pour s’affranchir du passé colonial la font tomber dans une nouvelle ornière, la colonisation silencieuse. La France doit protéger les atouts qu’elle a conquis.

RICHARD LISCIA

 

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